Le rap français n’allait déjà pas très bien… Voici que débarque le Stupeflip crou. « Alors il paraît qu’il y a un buzz, sur le Stupeflip crou ? 1, 2, 3, j’ai signé un contrat (tralahlah), 4, 5,6 , me voilà dans le showbizz, 7, 8, 9, il paraît qu’il y a plein de meufs, 10, 11, 12, mais surtout des tarlouzes (…) Avant la musique, c’était une passion, maintenant, c’est devenu une occupation… » (L.E.C.R.O.U). Mais c’est pas du rap… C’est du hip-pop, comme dirait l’imitation d’attaché de presse qui tourne autour des couv’ de mags comme une mouche à merde naine dispersant de la poudre de vide. Mais seulement voilà, il faut les nourrir les journaleux, il faut leur graisser la patte aux médias pour faire la couv’, hein gros ! Il faut la créer la hype ! Et comment on fait ? Bah, à coup de biftons tonton…
Ah ouais ? Mais dans le Stupeflip crou, il y a une chanson pop-rock à la Weezer (Carry on), et ils chantent dans la langue de Shakespeare sur ce titre ! C’est pas de la house genre Ibiza, ils ont pas baissé leur froc les Stupeflip (L.E.C.R.O.U.), ils représentent grave ! Et puis ils imitent Carlos, Yves Duteil, Herbert Leonard, Bertignac, Serge Lama, Michel Fugain, Renaud, Michel Jonasz, Patrick Bruel, Milène Farmer, Pascal Obispo, De Palmas, Alizée, Bibi, Lio, Daniel Guichard, France Gall, Patrick Sébastien ! (Comme les zot)… C’est hilarant, super rigolo ! Ils donnent dans le rap abstrait ambigu, tu vois ? Ils mixent second degré et dixième degré, c’est dingue !? En fait, non, c’est plutôt l’apogée du trentième degré en matière de rap conceptuel, ca va loin gaffe ! Ils sont dans le show-biz, ils auraient pu signer sur Boucherie production à l’époque (A bas la hiérarchie) ! Alors on écoute le Stupeflip crou s’il vous plaît et on achète ! On s’en fout des nouveaux groupes de rap français qui se malmènent l’encéphale à bosser comme des rageux sur des prods et des textes alambiqués… On veut pas déprimer avec le rap français, on veut pas des cages d’escalier, nous on veut ricaner avec Les Inrocks, on veut penser à du caca et à des gros insectes dingues, à des concepts ultra-conceptuels et ultra-abstraits dans le concept, plonger dans une mare de bévues (faites exprès, attention !) qui feront se tordre de rire les auditeurs de 7 à 77 ans! Nous les fans de nouveau « hip-hop français qu’est pas vraiment du hip-hop », on prends du simpliste pur jus et une bonne louche d’excentricité, du rap de clown qui fait pleurer d’la connerie (Je fume pu de shit) ou bramer d’la consternation (Je refume du shit). C’est pas du hip-hop, c’est du pop-hip pour arriver au top on vous dit ! Alors, tu vois, c’est un concept ultra malin qui a été créé par de jeunes Parisiens bourrés d’idées géniales et de paroles ultra imaginatives ! Ouaih ! Youpi ! C’est la révélation française de la fin de l’année 2002 ! Et en plus, ils sont déjà connus et leur album vient à peine de sortir, tu te rends compte ? Et aussi, ils ont invité un rappeur américain qui parle de Popstars et de Star academy ! (L.E.C.R.O.U.) Comment ils ont fait ? Ils ont du le peaufiner cet album ! En plus, les mauvaises chroniques sur leur album, ca leur fait même pas mal ! Parce qu’ils ont une armure en forme de magazine bien distribué en kiosque ! Du beau boulot ! Un cheval de Troie bourré de virus hyper bien élevés, sustentés au blé transgénique et à l’euro, s’il vous plaît !
Quelle misère… Au bout de nombreuses écoutes (très laborieuses), on laisse tomber l’album et le casque et on pousse un gros soupire… Les dictons débiles de l’album ont déjà été oubliés et le sens de ce type de projet ne veut pas vraiment dire grand chose … Les beuglements insupportables de ses intervenants (Epouvantable épouvantail), dont les textes benêts se remplissent de rimes écrites sur le coin d’une table avachie par le poids de la futilité (« Une grosse mygale avec une tête de poule, qui te fout la chair de poule quand elle te tombe sur l’épaule, des bébêtes sanguinolentes, molles comme une omelette »… Les Monstres) agencent le disque de Stupeflip comme une grosse daube qu’il vous faut à tout prix jeter ou éviter. Mais attention, vous n’êtes pas vraiment à l’abri d’une écoute… Surtout que vos collègues de bureau et/ou autres vendeurs de la Fnac vous attendent au tournant, sourires abrutis à l’appui, poignée de main droite moite (rempli de stickers) et galette Stupeflip dans l’autre…
Le rap français n’a jamais eu de chance. Il y a quelques années, le Saïan Supa Crew venait ruiner la carrière d’une kyrielle de jeunes groupes compétents, tout en donnant une image rigolote et burlesque à cette scène qui n’a de cesse de passer pour la bête de foire de la musique made in France. On n’épiloguera pas sur les épisodes Solaar et autres oiseaux de malheur. C’est au tour de Stupeflip de s’attirer les louanges d’une certaine presse qui, il y a quelques années, aurait tout simplement ignoré ce type d’album ou serait tombé dessus à bras raccourcis. En ce début d’année 2003, on avait vraiment pas besoin d’une poignée de rappeurs en herbe (loufoques, de surcroît) pour nous miner le moral. Mais voilà, les grosses majors arrivent comme des rouleaux compresseurs avec des paquets de disques mis en boîte à l’arrache, des concepts de rappeurs-sandwichs, qu’ils laisseront bientôt pourrir dans un coin, quand arrivera le nouvel attrape-couillon de la hype. On aimerait tant que Booba écoute Stupeflip et qu’il nous donne son avis. Qu’il vienne en paix, un 44 contre l’estomac…