« This is teenage we are bright and broken » : on ne saurait dire mieux. Et cependant, quelle maîtrise dans tout ce désordre ! Storm and Stress, ce sont quelques jeunes hommes américains (dont un guitariste ex- Don Caballero, groupe de deux excellents albums dont il faudra bien un jour mesurer l’importance) qui allient, au sein d’un line-up très classique (guitare, basse, batterie, chant) la fureur de l’intelligence et l’intelligence de la colère. La noise de Chicago n’a pas complètement fini de nous étonner.
Pour aller au plus court : comme il y a un free-jazz, il y a un free-rock, celui précisément que pratique Storm and Stress. « We can only think of one thing but never the same way twice » : encore exact, et c’est ce qui rend leur musique à la fois obsessionnelle et insaisissable. Storm and Stress (référence à la Sturm und drangeperiode du pré-romantisme allemand ?) est violent et agité, décoiffe comme une bourrasque et passionne.
De la passion, ce disque n’en manque pas, mais plutôt celle d’une âme sèche comme la production d’Albini (ici en terrain conquis), qui ne dédaignerait pas les coups de théâtre ni les emballements lyriques. Sur la pochette, un jeu d’échecs tombe à la renverse : échec de la logique pure, d’où quelques passages oniriques destinés à ceux que l’absurde au quotidien rend songeurs (« They’ve done studies on dogs and have found when they bark they’re just saying « I’m a dog ! »). Ces gars-là sont tout simplement brillants.
On ne leur demanderait pas forcément de faire un autre disque. Celui-là, de toutes façons, pourra vous accompagner longtemps : le temps de l’apprivoiser sera long. Spontané, cinématographique, vivant, convulsif, puissant, émouvant, véloce, tourbillonnant, cet album de Storm and Stress est tout cela à la fois et peut-être plus. Plongez dans l’oeil du cyclone !
(avec les judicieuses remarques de Jandrek Zagorski et Denis Hamel).