Stephen Malkmus est l’ancien leader du college-rock band barré Pavement. Visiblement fâché avec Bob Nastanovitch, il a entrepris l’année dernière une carrière solo qui nous mène aujourd’hui à ce premier album éponyme. Originellement intitulé Swedish reggae, cet album pop, ou power pop, n’a rien à voir avec du reggae, peut-être un peu plus avec The Cardigans, pour les mélodies et le charme des vocalistes. Pour avoir vu Malkmus en concert à la Scène récemment, on peut résolument parler de charme à son propos : irradiant littéralement ses performances, souriant, chaleureux, chantant les parties vocales les plus compliquées avec une fluidité et une facilité exemplaire, et surtout, gigantesque guitariste, soliste fou et nuancé, précis et subtil. Parfait de bout en bout… les filles en pleurent.
Enregistré durant l’été 2000 à Portland (Oregon), Stephen Malkmus est soutenu rythmiquement, et un peu lourdement, par John Moen à la batterie, leader du groupe The Maroons, et Joanna Bolm à la basse, jolie membre de Minders et Calamity Jane Records. En concert, un quatrième membre seconde à la guitare ou aux synthés les performances enlevées de Malkmus. Le backing band relève cependant plus de faire-valoir pour le chanteur-guitariste, éclipsant toutes leurs velléités musicales derrière son immense talent. L’album oscille ainsi entre la folie débordante de Malkmus et la modération sans génie du groupe, quand Pavement au contraire mariait plusieurs virtuosités et individualités.
On regrettera donc de Pavement la déjante excessive que tous ses membres semblaient promouvoir, quand il ne reste plus ici que l’exubérance de Malkmus, un peu esseulée dans des morceaux au classicisme peu aventurier. « Pop », « groovy », « catchy », voilà des termes utilisés par Malkmus pour définir ses chansons, toujours élégantes et mélodieuses, mais étonnamment simples pour celui qui nous avait habitués à une noise-pop déconstruite. Seules incursions psychogènes, les petits arrangements de guitare à la Red Krayola sur Phantasies, le Moog sautillant sur Trouble. Sinon, on a l’impression que Malkmus a essayé d’écrire des classiques pop, au format couplet-refrain très conventionnel, sabotant toujours à un moment ou un autre ses désirs de songwriting par de timides ruptures de rythmes ou de tonalités qui n’auront jamais le caractère de surprise d’un seul des titres de Wowee Zowee. Dans The Hook, notamment, il tombe dans un boogie lourdaud rappelant des Stones empruntés. Le groupe de bal qui l’accompagne, même tiré vers le haut par son génie évident, ne peut que ramer derrière piteusement. C’est triste. Mais en même temps, Stephen Malkmus est un album attachant, les mélodies peuvent être touchantes (Jenny and the ess-dog) et les montées de guitares entraînantes (Discretion grove). Il faut juste éviter la comparaison avec Pavement, et considérer ce disque comme un premier album d’un extraordinaire chanteur et guitariste, dont le meilleur est, sans doute, à venir.