Les Spaceheads avec Max Eastley, c’est un peu comme si Trumans Water jouait avec Jon Hassell, c’est inattendu… Et pourtant c’est une bonne idée du label marseillais Bip Hop que d’avoir réuni sur disque ce vieux de la vieille de la musique expérimentale avec ces fous de l’improvisation bordélique, qui s’étaient déjà rencontrés en live lors d’une performance multimédia à Manchester.
Max Eastley a commencé à sortir des disques dans les années 70, sur le label de Brian Eno, puis avec David Toop, notamment. Peintre et sculpteur sonore, il joue sur ce disque de l’arc, instrument de sa création (une corde de trois mètres tendue sur un manche en bois) sur lequel il joue en courbant le manche et en ajoutant des effets. De leur côté, Andy Diagram joue de la trompette et d’effets électroniques tandis que Richard Harrison joue de la batterie et autres percussions métalliques.
Le résultat est hypnotisant, spatial, fascinant et toujours intéressant, en onze morceaux plutôt longs, distillant plusieurs types d’ambiances. Minimales d’abord, parce que des morceaux comme The Black Drop of Venus, avec ses percussions lointaines et ses chuchotements ou Life without gravity, qui ressemble à une musique du monde imaginaire, à un faux field recording, emportent l’auditeur assez loin avec peu de moyens. Angoissantes aussi, avec Ghosts ou Air as matter, plein de sonorités graves et stressantes. Cinématographiques parfois, sur The Old Moon in the young moon arms, Interstellar escalator ou Generator X, solennels, lyriques, quasi idéaux pour évoquer les déserts de dunes et les tempêtes de sable sur Arrakis… Les profondeurs marines n’étant pas oubliées avec Hubble bath et ses glouglous atmosphériques. Si le plus beau morceau du disque est sans doute Invisible nature, le bien nommé (au sein de paysages majestueux se cache une vie qui fourmille d’activité), les plus dynamiques sont certainement Hail Bop et Ancient astronaut.
Hail bop est une explosion d’improvisation libre, qui rappelle les meilleurs moments du free-jazz : huit minutes de délire psyché dans lesquelles le trio s’en donne à cœur joie (la batterie est nerveuse, folle et contrôlée, la trompette s’envole et l’électronique impressionne). Ancient astronaut est une fanfare agressive qui rappelle, elle, les bons moments du Miles Davis électrique période Agartha / Pangea. C’est dans ce genre de registre que le trio semble le plus à l’aise.
Comme l’évoque la citation de Coleridge en pochette intérieure (« And now ‘twas like all instruments / Now like a lonely flute »), le trio passe aisément du chaos multi-instrumentiste au son d’une petite flûte… Une expérience vivante, une tentative de quitter la galaxie, qui, si elle ne convainc pas toujours, fait néanmoins régulièrement décoller l’auditeur…