Un surdoué de la guitare qui vient une fois encore souligner ses origines malgaches, son identité océano-indienne, tout en revendiquant fermement son ouverture vers le reste du monde. Pédale, guitare, quelques samples : « C’est la musique, dit-il, qui m’a imposé cette nudité ». Minimalisme caractérisé, pureté des sons, dialogue entre son âme intérieure et l’esprit des ancêtres qui l’a habité lors d’un long périple en studio mobile sur la Grande île. Comment atteindre l’essence d’une musique populaire malgache telle que le salegy en neuf pièces étranges, tout en retenant son souffle et son doigté dans un déluge d’influences celte, folk et jazz ? Un style basé sur la technique du bagass traditionnel lui sert de réponse éventuelle. Profondeur des basses, notes légèrement et délicatement détachées, afin que puissent s’envoler les mélodies. Un travail sur la valiha, que l’on appelle aussi cithare malgache, renforce cette démarche et apporte une nuance percussive à l’ensemble. Le recours au marovany, autre instrument malgache, y participe également. Cet album poursuit en solo une réflexion musicale déjà entamée avec d’autres artistes avec Bilo (Silex), continuée sur Fruits du voyage (Musikéla/Scalen), et qui révèle la nature profonde de cet auteur-compositeur : « Je fais une musique du cœur ». Dans la lignée des grands.
Soul Razaf est né dans l’exil, à Montpellier. Très jeune, ses parents choisiront cependant de l’envoyer à Tana, où il grandit dans le culte des musiques ancestrales, avant de devenir l’un des instrumentistes de studio les plus réputés de l’île. Installé à Paris par la suite, il devient au fil des ans le lead guitar de Myriam Makéba sur la scène internationale, tout en étant l’arrangeur fétiche de Graeme Allright. Enfant du voyage, il aurait pu se proclamer citoyen du monde comme d’autres ont su le faire avec brio et se taire. Mais peut-être a-t-on besoin parfois de mieux digérer sa culture d’origine pour mieux s’ouvrir au monde ? Au moins peut-on se prévaloir d’une façon de faire différente, qui rend riches les échanges avec l’Autre. De vouloir à tout prix déclamer son appartenance au monde situé de l’autre côté du Canal de Mozambique apporte donc à Soul une sérénité que nombre de mélomanes apprécieront. Ainsi qu’un jeu de guitare que peu d’instrumentistes connaissent…