Parental Advisory, Explicit Porno… Les Smut Peddlers et leur Porn again débarquent tous azimuts avec perte et fracas. Composé de DJ Mighty Mi, Mr. Eon et Cage, ce trio agité n’est pas né du dernier flow. Rembobinons un peu les curriculum vitae. En 1999, aux commandes de The High & Mighty, DJ Mighty Mi sort l’impressionnant Home field advantage, qui rassemble une flopée de featurings hallucinants (Pharoahe Monch, Kool Keith, Mos Def, Mad Skillz…). Succès immédiat. Quant à Eon, qui est la deuxième composante de The High & Mighty, il gravite allègrement autour de la sphère du hip-hop indé depuis plus d’une décennie. Fort de son expérience de rappeur au sein de la meute underground de la West Coast, il fonde son propre label en 1994 (Eastern Conference Records). Diplômé de l’université de Boston, Eon est un accro des mots, un créateur de rimes vicieuses et de poésie urbaine en tout genre. Cage, la troisième crapule, commence sa carrière de maître des cérémonies terminologiques dès ses 14 ans. Ce fan enragé de Stanley Kubrick est un véritable destructeur de micros, qui avale deux dicos des synonymes au petit-déjeuner. Mc gueulard au flow à tout casser, il a juré de faire la peau à Eminem (qu’il accuse d’avoir plagié bon nombre de ses idées). Réunis, ces trois types peuvent vous exploser un ghetto-blaster en quelques minutes. De vraies bombes à neutrons.
Après Tarball 2000, sorti plus ou moins dans l’indifférence générale, malgré d’indéniables qualités, Porn again est donc le deuxième album de ces trois obsédés du cul. Les paroles abusives de cet opus sexuel -qui risque de faire de la compétition au cultissime Sex style de Kool Keith- feront sans doute date dans l’histoire du rap. Ces propagateurs d’idées subversives, excités au possible, nous larguent avec furie leur opéra pornographique sur un plateau de beats vigoureux. Eon accroche son auditoire avec brio et confirme ici son statut d’orateur grandiose. Son phrasé guttural et chaloupé colle parfaitement aux purs sons du Mighty Mi, dont les instrus sophistiqués et mâtinés de samples funk sont redoutables d’efficacité (54, One by one revamped, My rhyme ain’t done…). Cage, dont la voix fait souvent penser au tonique Buc Fifty, retentit à la perfection sur tous les morceaux du disque. Ce MC nerveux tient bon la rampe et se déchaîne sans ambages (54, Smut Council, Medicated minutes…). Le clou de cet oratorio déluré reste tout de même le single Bottom feeders (« Les mangeurs de derrière », clip porno censuré aux USA et en Grande-Bretagne), titre aux lyrics lestes, featuring le seul et unique bison blanc enragé : R.A. the Rugged Man (on attend son album depuis des lustres).
La cerise sur cette galette pimentée, c’est sans conteste le nain dessalé Beetlejuice, figure emblématique des Smut Peddlers, qui illustre de sa superbe la pochette du disque. Fidèle collègue du salace Howard Stern, ses interludes de choc ponctuent l’album avec allégresse et semblent sortir tout droit du plus pouilleux des films de Blaxploitation. Avis aux amateurs de rap hardcore, aux anglophones vicelards et dépravés, aux fans de Rawkus (qu’on essaye d’enterrer un peu vite), aux accros de Mighty Mi, et à tous ceux qui ont soif de bon son. Ruez-vous sur cet album sans bavures, dont les basses tonitruantes vous feront sûrement frémir l’échine, que vous soyez portés sur le sexe ou non.