Difficile de chroniquer ce nouvel album des Smashing Pumpkins sans avoir l’impérieux désir d’aller fouiller dans ses archives personnelles afin de ressortir le papier écrit au moment de Mellon Collie and the infinite sadness il y a cinq ans déjà. Sauf qu’on aurait tendance à en changer les adjectifs dithyrambiques qui avaient été accolés à la musique de Billy Corgan et ses acolytes. Les changer pour remettre les pendules à l’heure (cf. la pochette de ce Machina). C’est sans doute aussi ce que Billy Corgan a tenté de faire. L’air de dire : « Je sors un album extraordinaire de finesse et de richesse musicale, Adore. Je rends hommage à la culture de mon père et à la musique de mes pairs tant révérés et… tout le monde s’en fout et boude l’album. Très bien, on va faire ce qui vous plaît tant et vendre à tire l’arigot ! »
Dommage. En ce qui nous concerne, Adore, on l’adorait (jeu de mot facile mais déclaration tellement sincère). Et pas seulement pour les photos de D’Arcy en petite tenue (rappelez-vous vos fantasmes en ouvrant la pochette de ce noir album). On adorait Adore pour le message que Billy arrivait à faire passer. Celui d’un compositeur doué d’une sensibilité à fleur de peau qui sait aussi transmettre ses émotions sans s’énerver, en gardant sa raison, en conservant sa retenue.
Avec The Everlasting gaze en ouverture et Heavy metal machine plus loin, Billy est bien loin de ces considérations. C’est du déjà entendu autant chez lui que chez ses « suiveurs ». On le croyait à mille lieu de là, il est en plein dedans. Le riff est on ne peut plus rabâché (même s’il passe avec facilité à l’oreille), la voix de fausset renvoie dix ans en arrière, aux débuts si prometteurs de Gish. Rain drops & sun showers en revanche, calme le jeu et réintroduit une utilisation rare (Depeche Mode ? REM ?) de la boite à rythmes et des trames de synthés. Les références sont méritées, le jeu sur la voix (tantôt enfantine, tantôt adulte) fonctionne à plein. Le reste de l’album est du même acabit. Avec Stand inside your love, I of the mourning, This time, Wound et The Crying tree of mercury (cette guitare et ce synthés quand même !), c’est Cure qui fait son apparition chez ces natifs de Chicago (un son de basse qui ne trompe pas).
Plus loin, Try, try, try, avec sa mélodie tellement évidente, ne réussit pas à convaincre. Tout est trop facile et la voix commence vraiment à agacer. Seule Glass ad the ghost children en… dixième plage (!) parvient à racheter l’album (qui chute rapidement avec la « ballade » With every light). Alors qu’il avait su échapper aux démons de l’enfantillage, Billy Corgan retombe dedans. On se pose quand même la question : pourquoi et comment être aller si loin dans le travail d’arrangements (cordes, percussions) sur Mellon Collie si c’est pour revenir à ce son basique et sans grande profondeur ? Et les constructions si parfaites de certaines chansons de Adore n’étaient-elles qu’erreurs et accidents ? Pourquoi tant d’efforts si c’est pour revenir à ça ? Espérons que Machina n’est qu’un album de transition et que Billy Corgan concocte à ses fans quelques joyaux de la trempe de ces précédents albums. Parce que Machina n’est vraiment pas ce qu’on attendait des Smashing.