L’album précédent, The Hot rock, avait laissé entrevoir des changements du côté de Sleater Kinney, l’an passé. Corin Tucker, Carrie Brownstein et Janet Weiss avaient découvert de nouvelles façons de s’exprimer, moins directes et crues que la catharsis des premiers disques. All hands on the bad one a évidemment bénéficié de ces méthodes de travail différentes, mais, ô bonheur, il trouve le trio dans une humeur décidément optimiste.
Ballad of a ladyman est une introduction très réussie à l’album : les paroles sont assez énigmatiques et l’on se gratte la tête pour en comprendre le sens caché ; le jeu de guitares de Corin et Carrie, leurs harmonies vocales et les percussions du genre « tapons dans nos mimines » valent le détour et le tout dégage une solide dose d’énergie rassérénante. Ensuite, les filles brodent autour d’un de leurs thèmes de prédilection, le rock et ses héros. A côté de ces types flamboyants, dépeints dans You’re no rock’n’roll fun, qui savent s’éclater à coup de whisky et de chocolat (ce sont elles qui le disent), les autres font office de bonnets de nuit. Pour débiter cette barbe à papa sonore, les filles adoptent un ton devant autant aux girl-groups des années 60 qu’aux Bangles. Dans la même veine, Male model risque de faire ricaner les frangins d’adolescentes éprises de bellâtres chantants. « Il a un visage parfait (…) / Il me parle dans mes rêves / Est-ce lui qui écrit mes chansons ? » roucoule Corin. Là encore, les filles se surpassent, zappant du cri hystérique poussé par la fiancée d’un poster aux remontrances de sa copine qui, elle, a gardé un semblant de bon sens.
Ont-elles exorcisé leurs vieux démons lors du précédent album thérapeutique ? Car, même quand elles parlent de chagrin d’amour, elles conservent un ton léger et détaché. Au pire, elles choisissent la carte de la sérénité (Leave you behind). Ou donnent presque dans le style article de Cosmopolitan, sur Milkshake’n’honey, un titre qui sonne comme le remède alimentaire contre les grandes douleurs de l’âme. Les larmes de crocodile versées après un croustillant étalage de griefs (« il m’a volé mon cœur, mes jeans préférés et m’a laissée avec le loyer à payer ») constituent un pied de nez aux épanchements d’antan et prouvent que les Sleater Kinney ne manquent pas d’humour. Ou qu’elles devraient arrêter le Prozac.