Pour tous les amoureux de Kratwerk, Skanfrom est un nouvel épigone du groupe allemand à la retraite, mais qui ne démérite pas dans la déjà longue lignée de ses successeurs robotiques. Des basselines simplistes mais sincères, des mélodies réduites au strict minimum, des nappes sombres et réverbérées, des ordinateurs outdatés, des voix synthétiques, voilà l’essentiel de ces « fragments ». Hand-picked fragments est la compilation des morceaux parus sur le label A.D.S.R., en tirage vinyle limité. L’impression d’hétérogénéité, le caractère décousu du disque créent de fait un sentiment d’étrangeté, alternant une simple descente d’octave delayé dans un silence tout spatial, avec une electro-pop song (Fragment) de facture 80’s conventionnelle.
Avec ses synthés rétro-futuristes, le disque ressemble à une relecture de notre inconscient collectif électronique : le morceau 4 notamment fait énormément penser à la musique d’un ancien générique de « Stade 2 », celui ou différents athlètes stylisés se dessinaient à tour de rôle en blanc sur fond noir… Cependant, chez Skanfrom, ce patrimoine culturel se décline de manière absurdement froide, répétitive, inanimé (« sans âme »). C’est normal me direz-vous, pour de la musique de robot. Mais Kratwerk, eux, savaient donner de l’émotion à leur musique, par l’apport de réelles mélodies pop (souvent inspirées des Beach Boys).
Skanfrom dresse le portrait un brin angoissant d’une robotisation des comportements (« Where can I check in » répété sempiternellement d’une voix atonale) ou d’une « comportementalisation » des robots (« Confused machines » répété sempiternellement d’une voix atonale). Mais si Skanfrom créé également des mélodies avec ses petits synthés, elles n’ont jamais la pertinence et l’universalité de celles de Kratwerk (ce en quoi ce groupe a été magistral, en faisant une musique robotique et universelle). Bref, le disque de Skanfrom est une curiosité pour les fans d’electro allemande cheap, pas vraiment indispensable pour les autres.