Incantatoire, litanique, la voix fabuleuse de Sidsel Endresen semble ici surgir du plus profond d’un imaginaire nordique transfiguré par les traitements électroniques et donne l’inoubliable impression d’une lumière salvatrice dans l’immensité froide d’un paysage musical mélancolique et sans limites. « Chanteuse / compositrice / poète », annoncent laconiquement les fiches biographiques : c’est effectivement bien de poésie qu’il est question dans cet Undertow magique où, après deux albums solo confidentiels sur le label ECM (So I write en 1990 et Exile en 1994) et une poignée de collaborations norvégiennes (un duo avec le pianiste Bugge Wesseltoft) et internationales (le violoncelliste David Darling, Elin Rosseland, Django Bates), elle trouve dans l’environnement électronique concocté par les spécialistes locaux du genre (l’inévitable Wesseltoft, donc, mais aussi le trompettiste Nils Petter Molvaer et le batteur Audun Kleive) la toile idéale sur laquelle déployer une musique minimaliste et puissante, qui semble étrangement puiser au plus profond d’une tradition vocale séculaire tout en jouant à loisir des possibilités technologiques d’aujourd’hui.
Sur des compositions hypnotiques, dont la lenteur paraît à la mesure de l’immensité des étendues grises qu’il s’agit d’évoquer, elle joue de sa voix comme d’un instrument inouï à la complète versatilité, entre chant et discours, murmure et colère, recueillement et extraversion. Aucun des travers potentiels de l’ostentation electro ou de l’agressivité machinique ne viennent rompre cette source calme et majestueuse, les cinq musiciens (outre les trois cités, Patrick Shaw Iversen à la flûte et Roger Ludvigsen aux guitares et à la basse) apprivoisant magnifiquement l’électricité au service de la chanteuse. On aimerait lui reprocher, peut-être, une certaine solennité, tout en comprenant aussitôt combien c’est d’elle que procède son immense force de séduction. Sublime.