Déjà remarqué à travers deux EP chez Artefact, Beyond hypothermia et Deadringer, Shinju-Gumi, alias Frédéric Paul, tient aisément la distance sur son premier album hautement évocateur, réalisé avec un coup de main de son compagnon de label Zend Avesta. Influencé par Ennio Morricone, Can ou le Wu Tang Clan, ce cinéphile nippophile, ancien membre d’un groupe hardcore (ça ne s’entend pas) et vendeur chez Rough Trade, aime parfois décrire sa musique comme une version gothique de celle d’Erik Satie, ce qui est plutôt bien vu. De simples mélodies au piano sont enveloppées dans de brumeuses nappes de cordes, des boucles de batterie se matérialisent parfois dans des échos de dub, une contrebasse fait le gros dos tandis qu’apparaissent à l’horizon des flûtes orientales, des bribes de sitar ou des réminiscences synthétisées de guitares électriques échappées d’une B.O. de spaghetti-western.
Plutôt que de miser sur une production à l’esbrouffe, Shinju-Gumi laisse intelligemment aux sons, minutieusement choisis sur une palette de coloriste sensible du sampler, de la place pour respirer, l’espace entre les notes étant aussi important que ce qui est joué. Et même si les climats créés dans Dissecting a ghost relèvent le plus souvent de l’intranquillité (voir des titres comme Blindwhisper, Inner despair ou Lost stalker), il y a néanmoins un plaisir ludique dans la juxtaposition d’éléments incongrus qui peut évoquer le meilleur Tortoise.
Bande-son imaginaire et onirique, évidemment hantée, Dissecting a ghost invite à se créer dans sa tête ses propres courts métrages, les morceaux, tournant le plus souvent autour des trois minutes, ayant le bon goût de s’arrêter dès qu’ils ont épuisé leur potentiel. Abstrait mais accessible, le trip-hop cérébral et instrumental de Shinju-Gumi ne vise pas le dancefloor, mais l’esprit de l’auditeur qui se laissera facilement gagner par la grâce mélodique et l’élégance des arrangements à l’œuvre dans ce début plus que prometteur : abouti.