Une bonne comédie musicale pour comités d’entreprise montée par un Tellier encore plus cramé qu’Obispo ? Le projet aurait pu faire rêver… Coup de maître : sortir, avec l’appui de toute l’artillerie médiatique et les dithyrambes de Radio France, un produit fou dont l’indomptable intensité sauvage surpasse celle de ces vieux CD d’obscurs opéra-rock canadiens raclant les trottoirs les jours de brocante. Devant telle audace, le baromètre Chronic’art implose, soudain inapte à signifier toute la duplicité des sentiments que nous inspire la candeur du grand opérateur scientologue, tandis qu’il nous prodigue, électromètre en sus, son test de personnalité musical chaleureusement surfacturé.
Dans sa quête audacieuse de l’incongruité, l’album tente de braver tous les tabous : choeurs façon Era, fins de morceaux en fondus feignasses, réverbs négationnistes… C’est le grand et glorieux zéro des meilleures séries Z. Tellement mauvais que c’en est bon ? Avant, Tellier nous racontait Candeloro, le réel. Aujourd’hui, le décalage raëlien a des airs assumés de fuite vers Sirius : se coltiner l’époque aurait été bien trop vulgaire… Trop compliqué ? De celle-ci, il ne conserve qu’un habillage de blockbuster yougoslave, aussi embarrassant qu’une baignoire de champagne à bord du Concordia. Car à ce niveau de délire et de démesure – teaser 3D compris -, la musique ne suffit plus. Etouffant sous le poids du personnage, elle ne peut fatalement sonner que comme un avant-goût de ce qu’on attend maintenant, et sincèrement avec impatience : le show laser au parc des expositions, la chorale de MILFs, les apparitions hélitreuillées au milieu du rugissement des moteurs de monster trucks, et le lancement international de la gamme de savons.
C’est donc mus par un fol espoir de contribuer au financement de ces fantasmes les plus insensés que nous nous dirigerons vers les horizons radieux des diverses enseignes marchandes pour nous délester des sommes requises. Fidèles gogos de cette nouvelle ère, nous allumerons les cierges pour que quelques synchros pub viennent racheter la vile traîtrise des mécréants prêts à damner leur âme au feu d’un vulgaire pack illicitement téléchargé.
Oui, la plage 5 est lumineuse. Rien ne semble pouvoir enlever au touchant messie ni son sens mélodique délicat, ni son art très personnel de la saillie hilarante. Les bons jours, on sourira de bon coeur aux blagues du tonton excentrique qui guette, vaguement inquiet, notre réaction derrière sa nouvelle paire de lunettes fantaisie. Mais dans ce moment de recueillement qui vient clore notre séminaire, prenons le temps de nous souvenir : les années folles avaient leurs zazous. Après, il y a eu la guerre.