Avec Tilt, Scott Walker nous a laissé une symphonie apocalyptique à la perfection troublante tellement elle reflète les errances et les désastres du siècle qui s’achève. Cette B. O. débute sur le titre The Cockfighter, issu de l’album, et raccourci pour l’introduction de ce disque recelant de parties symphoniques plus proches de l’onirisme mais tout aussi fascinantes. A la jonction du romantisme de la fin du XIXe (on pourrait citer Malher comme référence) et le début du XXe français (Debussy sûrement), Scott Walker, avec un sens de la tension, voire de la dramatisation (mais sans sentimentalisme exacerbé), qui lui est propre, livre là l’une des ses œuvres les plus accomplies. Dès Light, l’orchestre philharmonique de Paris sous la direction de Jean-Claude Dubois fait preuve d’une retenue exemplaire, donnant au morceau toute la quiétude espérée. Lui succède un intermède dialogué du film (Deneuve-Depardieu) introduisant Meadow, autre variation idyllique de belle facture. Puis, tout bascule. Le tableau s’assombrit, et Scott Walker dévoile une autre partie de son génie créateur.
Passons sur les interludes (de belles chansons au demeurant) sino-arabes et celui de Smog (autre titre glacial et déchirant) pour en venir à l’un des thèmes les plus forts du disque, The Church of the apostles, véritable morceau de bravoure battant une cadence rythmique effrayante par sa dureté et sa précision. Autre symphonie pour les temps à venir… Deux autres titres plus concis et l’on arrive au Blink de Sonic Youth, inédit vénéneux inspiré du film. Et autre sommet du disque. C’est donc sans aucune ambiguïté que l’on qualifiera ce disque d’œuvre-maîtresse, tant pour ses aspects composites (à quelques exceptions près) suivant la narration du film que pour l’extrême tension qui y règne. Cette dernière concernant prioritairement les plages composées par Scott Walker.