Un disque publié par Sony Classical dans la rubrique rock de Chronic’art ? C’est vrai que ça peut surprendre. Mais qui donc irait scruter nos pages classiques pour trouver l’album d’un rocker ? Certes, nous avons parlé il n’y a pas si longtemps de Nina Hagen à l’endroit où nous avons plutôt l’habitude de rendre compte d’œuvres de Mozart, Grieg, Scriabine et autres. Mais c’était justement pour rappeler que le monde du rock n’est pas toujours éloigné du classique (Nina Hagen était jugée sur son interprétation de l’Opéra de quat’sous de Brecht et Heisler). Le prolifique Ryuchi Sakamoto, quant à lui, sera bien jugé sur son œuvre. Ce sont en effet quelques pièces de piano solo (d’où le titre de l’album Back to the basics) sans fioriture aucune et même sans production léchée. Pas d’écho, pas d’harmoniseur, pas de delai, ni de réverb’ tant utilisée sur ses albums de rock : rien que du piano, les pédales du piano et le toucher si léger et si délicat du compositeur. Mais pour donner quoi au juste ? On a toujours pris plaisir à suivre la carrière de ce Japonais un peu énigmatique qui, au gré de ses envies, publiait des albums rock, pop, limite variété quelquefois (les plus décevants) ou, à l’inverse, électronique, expérimentaux, de musique contemporaine. On avait d’ailleurs adoré l’une de ses œuvres pour orchestre : Discord (déjà publiée chez Sony Classical en 1998), qui revêtait mille atours particulièrement appréciés chez nos modernes Français Ravel, Debussy ou Satie.
C’est de cette musique-là qu’il s’agit au long des seize pièces de Back to the basics. Quelques mélodies rappelleront aux plus fins d’entre vous des souvenirs de Merry Christmas Mr Laurence, le chef-d’œuvre de Nagisa Oshima avec Ryuchi Sakamoto et David Bowie. C’est que nous retrouvons les versions pour piano solo de quelques-unes de ses « chansons ». Le style est à la fois très mélodique (simples et faciles à retenir, les lignes sont parfois même un tantinet trop impressionnistes pour « sonner vrai ») et baigné d’harmonies modernes fort rares dans le monde du rock. On se souvient bien sûr que le Japonais a étudié la composition classique avant de « rencontrer » les Beatles et les Stones. C’est donc non loin de John Cale, David Sylvian ou Bill Laswell que l’on classera ce disque tout à fait original dans la production rock mais bien classique pour les fans du piano de Debussy ou Moussorgski.