Post-report. Les cheveux, les sourcils et les cils complètement teints en blanc, hybride entre albinos et sorcière délavée, le corps maigre, effilé, moulé dans des fringues déchirées, lui donnant l’apparence d’une mante religieuse ou de quelque autre insecte bizarrement nocif, Jennifer Herrema fume sur scène (à New York c’est interdit, et le videur essayant de l’en empêcher, elle lui file des coups de pieds pointus), chante de sa voix rauque et dépareillée ses morceaux alambiques, rencontres improbables du mauvais goût hard-rock 80’s et de l’expérimentation le plus post-moderne. Accompagnée par un super groupe indie-hard-rock, l’ancienne co-leadeuse des géniaux Royal Trux continue son exploration dévastatrice des codes les plus excessifs de la culture rock, hommage probablement scarifié à l’Iggy Pop d’antan autant qu’aux caricatures d’aujourd’hui (The Killers ?), toujours pourtant à la pointe de l’avant-garde du rock. Son compère Neil Michael Hagerty partit expérimenter en solo sur des albums luxuriants de funk décanté et de rock brisé, Jennifer Herrema continue sans lui, avec presque le même nom, sa patiente déconstruction de la chose rock.
Soli de guitares, coiffes indiennes, bons gros riffs, têtes de mort sur la cover, beats bien lourds, imagerie canine, font partie de l’arsenal heavy déployée par la rockeuse, entre premier degré obstiné et jeu de jambes lustré. La voix faussée, Jennifer continue d’évoquer plus Kim Gordon, Julia Cafritz, ou Cristina Martinez, que Joan Jett. Heureusement. Elle fait partie de ces filles tordues et très intelligentes qui font du rock pour l’énergie mais avec la bonne distance, celle qui fait évoluer le genre et le transcende. A la bonne vieille manière de Royal Trux, période Neil Hagerty, Limozine accumule ainsi les parties de guitares comme autant de strates signifiantes, Jennifer éructant, toujours un peu à côté. Joint chief ferait presque hit-single, sorte d’I love rock’n’roll mais complètement malade, avec son riff bateau d’entrée de jeu, son kick réverbéré et ses montées de basse dans l’oreille droite. Les surimpressions rendant le tout bien trop sophistiqué pour n’importe quelle bande FM. Heavy gator remporte la palme de la relecture moderniste (sa voix y est complètement filtrée, à la limite de l’audible, ou de l’IDM), quand PB+J va jusqu’à évoquer la rencontre d’AC/DC et de Daft Punk. Ecoutez voir…
Heavy-metal, stoner-rock ou simplement hard-rock, les référents de Jennifer sont acollés à une attitude forcément critique : être à côté, tout mélanger, faire du bruit d’un seul coup, passer tout ça à la moulinette numérique, s’en foutre ou pas, être défoncé ou pas. Ce Transmaniacon accumule les clichés jusqu’à créer un nouveau genre de rock baroque, du hard stylisé, très moderne, fourmillant de détails. A défaut d’être passionnant émotionnellement, RTX est une curiosité conceptuelle, en tout cas.