« Soyons plus humains. » Voilà ce que raconte en malgache le titre du deuxième opus de Gizavo. Sur la pochette, Régis penche, sourire éclaté, sous le poids de son accordéon fétiche. Heureux de vivre, il tient debout et nous invite à en faire autant. L’image voudrait s’inscrire comme un pied de nez contre un monde qui va trop vite. Saint apôtre du chromatique à 120 basses, vocaliste aux harmonies à la fois spontanées et mesurées, le fabuleux instrumentiste, entrevu aux côtés des plus grosses pointures de la world musique, raconte en fait une prière : les hommes se sentiraient mieux, si l’instinct animal les absorbait un peu moins. Affaire de conviction : ses textes s’attaquent à la misère des petits, à la barbarie du quotidien, à l’amour chaotique, aux petits mensonges de la vie ou encore à la nature éventrée. Chaque titre correspond à une histoire rêvée ou vécue dans un entourage très peu lointain. Les pêcheurs traditionnels vezo menacés de disparition dans sa région d’origine, la déforestation qui guette l’île rouge, l’individualisme des temps de crise que connaissent ses compatriotes… Le monde a besoin de poètes dit-on pour nommer ses travers. Les artistes peuvent rendre ce désir réel, par un discours nettement plus ancré dans leur réalité de tous les jours.
En solo, en duo avec David Mirandon son percussionniste ou en quartet (la basse de François Soria ou la guitare de Solo Razafindrakoto, lui-même joue à la guitare sur certains titres), l’homme exulte et joue les inspirés, à la guitare notamment, en orchestrant une salve de pirouettes sonores qui déstabilisent l’oreille trop conformiste. Arrangements plus que soignés : l’album est un compromis inventif taillé dans le chaînon manquant entre les terres d’éclectisme de la sono mondiale et le pur son de terroir issu du Sud-Ouest malgache. D’un côté, on voit surgir les influences sud-africaines ou cajun, univers sonores qui ont peuplé l’imaginaire de l’enfance et nourri le cannibalisme sonore de l’adulte. De l’autre, on entend résonner les esprits musiciens venus du pays, esprits malins qui régnaient en maître lors des cérémonies de possession et qui tournaient sous la pulsion mélodieuse du rythme « Renitra » par exemple. Au passage, on n’oubliera pas la présence de son ami, Jean-François Bernardini, enfant terrible de l’odyssée corse I Muvrini, venu lui prêter main-forte sur un titre. Pour résumer, un mot, seul, traduit le génie de Régis dans cette nouvelle aventure discographique : il s’agit de l’authenticité. Nul doute qu’il y a longuement réfléchi durant ces dix dernières années passées à courir les scènes d’Europe et d’ailleurs.