Prince aurait-il viré teuton ? La réponse, en guise de curiosa très germanique, nous provient de l’excellent label Kitty-yo, découvreur de talent krautrock des années 90’s et qui a depuis longtemps tourné la page de l’esthétique froide des labels purement electronica. Et quand l’ouverture de cet îlot de production de plus en plus éclaté amène l’auditeur trop compartimenté à tomber sur les essais funky-music de Patrick Rasemussen, la surprise -tout en décalage- est de taille. Faux troubadour pop aux allures de Rémi Bricka de l’electro, on retrouve le Danois dans un exercice difficile, celui de l’album solo, relégué à sa plus simple expression. Soit la trilogie pas très messianique de « ma guitare, mon synthé et moi ».
Realtime voyeur, debut album comme aime à le souligner MTV, n’avait pas trop exposé ce compositeur incertain. Quelques drones très german touch côtoyaient déjà la propension toute particulière de Patrick, chanteur à la petite semaine, à pousser la chansonnette. Une voix, ou plutôt une complainte lancinante, qui perçait tant bien que mal dans le déluge electro-pop des synthés scintillants. Deuxième vague et virage franc pour Raz Ohara : exit l’habillage electro dans la tendance pour se focaliser sur la funky attitude d’une formule épurée, aux confins d’une folk groovy et entêtante.
Le résultat donne dans le soul et le folk-rock le plus minimal, sans jamais se défaire de la touche très (trop ?) personnelle du chanteur danois. Bizarre pour celui qu’on aurait vite pressenti comme le trait d’union idéal entre la choucroute électronique de ses patriotes berlinois et le revival poppy marqué du sceau déprimant des années 80. En allant à contresens des Mme Irma du marché indépendant, le projet désormais solo de Raz Ohara remonte seul la rivière embourbée de la white-soul. Seul contre tous, bien évidemment. De quoi en rajouter dans le côté romantique et fataliste d’un songwriter qui donne dans la finesse poétique plus que dans la revendication « be happy / be sorry » souvent bien vaine. A la longue, ses ballades presque cliniques sombrent dans une répétition sans différence qui atténue les surprises du début. D’entêtant à relativement ennuyant.