The Brain, rare exemple de Dj-isme conjugal accompli (Pascal et Eva Le Brain), a tragiquement accouché d’une créature hydrocéphale répondant au doux nom de Puyo Puyo. Depuis sa naissance, en 2002, cet enfant gravement attardé a traîné sa grosse tête à la Residents un peu partout en Europe, de l’Ile Enchantée (Paris) au Lieu Unique (Nantes) en passant par le Zentral (Berlin) ou le Schillerhoper (Hambourg).
Nul n’est prophète en son pays, dit le dicton populaire et Puyo Puyo n’échappe pas à la règle : après Little in Japan, premier recueil de morceaux mutants -dont l’inusable Minet minet– , sur le label japonais RDC Records, c’est Gagarin Records, conduit par l’allemand Felix Kubin, qui nous propose ce A New trick item. Signalons simplement que l’écurie Gagarin comprend en son sein une belle moitié de Stereototal (Bretzel Goering) ainsi que Jacques Palminger ou Cobra Killer et vous comprendrez que cette équipe partage une certaine esthétique de l’économie, électronique et synthétique.
Puyo Puyo tire son patronyme d’un jeu d’arcade, élément tout a fait fondateur pour Pascal puisque c’est en remixant la musique de ce jeu qu’est né son projet « electro-crétin ». Aujourd’hui encore, la musique de Puyo Puyo rappelle immanquablement celle d’un jeu vidéo devenu fou ou paraplégique : sur A New trick item, le fonctionnel Play skip stop fait déjà figure de petit standard, et plus encore en concert, lorsqu’il se trouve appuyé par des vidéos télescopant des nipponnes géantes et des petites filles se dandinant entre quelques peluches vivantes… Ma préférence va au fédérateur Do the Puyo Puyo qui fait figure de cousin consanguin crédible avec les curiosités que produisait Alan Vega dans les années 90 (sur des disques comme Deuce avenue ou Power on to zero hour). Les sonorités résolument low-tech des morceaux (Pascal sample d’antiques synthés analogiques pour les retravailler sur Pc) se marient avec l’humour décalé et absurde du propos (Sundae, Bloody sundae ou Stroke, Hagen & Rothman). De temps à autres percent des aphorismes auxquels les habitués de The Brain sont déjà sensibles : les voix vocodées ou pitchées sont monnaie courante par ici. Même si Puyo Puyo se situe loin du dance-floor et de l’efficacité technologique, on peut se laisser aller à esquisser quelques pas de danse honteuse, au détour de certains de ces titres transgéniques : le Puyo Puyo se danse, comme il se doit, la tête pleine d’air et un sourire béat aux lèvres jusqu’à ce que mort s’en suive. Ceux qui ont assisté aux quelques sets agités et frénétiques que peut commettre la créature en savent quelque chose…