A la fois nauséeuse et euphorisante, la mélodie qui s’alanguit et s’étire le long de Red Sex, sans conteste lead track de Punish, Honey, donne un écho trouble aux lignes de saxos décadentes du « Say Hello Wave Goodbye » des anglais de Soft Cell.
Du glam de Soft Cell, Vessel – pseudonyme du Bristolien Sebastian Gainsborough, âgé seulement de 22 ans – extirpe un indescriptible humour british. Non pas que la musique de Vessel puisse être qualifiée d’explicitement comique, mais ce peinturlurage goth et ces grimaces macabres, possèdent en elles quelque chose d’assez jouissif et hilarant. Mais moins cabaret que Soft Cell, Vessel s’arnache de cuir, descend d’un étage et entrouvre les portes de la backroom.
Les sonorités puissamment évocatrices (fessées métalliques, cohorte de FX encagoulés, tymbales géantes et larsens doom) qui s’éprouvent dans le donjon de Punish, Honey, entretiennent un rapport particulier et très direct avec ce monde fétiche portraituré au microscope, grouillant de matières très ludiques : crissements du cuir, bruissements des chaînes et des poulies…
On ignore si Sebastian Gainsborough en personne est descendu jouer du Nagra et du micro-canon au sein de la communauté BDSM de Bristol pour en capter la matière crue. On sait en revanche qu’il a troqué son armada de plug-ins contre quelque instruments homemade, constituant par là même un orchestre plus proche de celui du foley artist que de celui du traditionnel beat maker techno…
L’intro hallucinante (« Febrile »), tout en déluge de sound design, définit à elle seule toute l’ambition punitive du projet. Ce rapport fétiche, plaisamment sado-maso, on le retrouve là, dans cette extraordinaire attention aux textures presque nues : pas d’entourloupe, de safe word ou de réverbérations pour fausser les espaces et échapper aux tambourinements obsessifs des marches militaires. A en devenir claustro : une musique rèche et concrète enregistrée de si près, que l’on en vient à penser que la frustration primaire de Sebastian Gainsborough, à l’origine de « Punish, Honey », n’était celle de ne pouvoir toucher le son – comme une matière organique, charnelle, à la violente élasticité.