Dans la grande famille jazzcore, surfcore, bref dans la lignée des musiques à suffixes et préfixes à rallonge, PPz30 se place à un niveau enviable, celui d’un groupe radical dans sa démarche et dans son exécution. Sorte de croisement ferrique entre les sections de cuivres californiennes d’un jazz made in West Coast et la furia rythmique downtown New York, cette formation très étoffée (basse, batterie, guitares, trompettes, cor et voix) donne dans la dentelle hardcore et les sauts start & stop les plus jubilatoires. Les textes, débités cela va de soi sur un air déluré d’ados de retour de maison de correction, suivent au niveau du contenu : entre Eatage d’ass et The Big bag theory, pas besoin de traducteur automatique pour voir les liens thématiques qui unissent les textes délirants et punky de ce groupe de jazz.
Car il est bien ici question de jazz, et c’est sans s’y méprendre qu’il ne faut jamais perdre de vue la pulsation rythmique lourde et ternaire qui sous-tend le tout. Après l’interprétation vient d’elle-même : certains, habitués au rock, penseront aux Red Hot Chili Peppers première mouture, tandis que les plus aventureux établiront des connexions valides avec Mr Bungle (le side-project de Mike Patton), Ruins (LE duo basse/batterie de l’histoire du jazzcore) ou encore Painkiller et Naked City, les groupes décalés du cultissime John Zorn. Naviguant dans ces eaux gentiment troublées, PPz30 fait vite oublier ses origines teutonnico-hollandaises pour adopter un son tout à la fois lourd et très clair, éminemment représentatif des nouvelles scènes jazz de New York, comme on peut les entendre à la Knitting Factory ou au tout nouveau haut lieu de l’underground, le Tonic.
Ainsi servie, leur musique stridente, violente, agressive, quasi punk dans la démarche, se trouve incorporée au vivier créatif de nos nouvelles expressions jazz. Le caractère anarchique du groupe, dans le son et les textes, souligne plus encore la dimension décalée et libertaire du projet musical. Histoires de clowns délurés, d’enfants déniaisés, de philosophes déridés, les comptines chaotiques de PPz30 ont tout pour animer un joli goûter en plein junkyard d’Alphabet City.