Groupe majeur pour mineur (ou inversement)… il va falloir revoir notre jugement. Pourtant, avec Black market music, Placebo ne renie rien de cette fougue juvénile qui reste leur marque de fabrique. Un consensus loin d’être mou.
L’effet Placebo qui délivrait jusqu’à présent un plaisir rock primaire -donc fugace- est en mutation. Annoncé en rupture par rapport aux précédents albums, Black market music n’est pourtant pas fondamentalement différent, hormis l’usage d’un vernis industriel. Il procure toujours cette nécessité quasi compulsive de monter le son sur des pilules garage rock sous speed, livrées en un bloc, dont on retrouve l’esprit frappeur sur Days before you came ou Special K. Il dynamite encore des refrains de haute volée -celui de Spite & malice est ainsi agrémenté d’un rap (d’abord risible puis très crédible). Placebo garde pour soi l’art stupéfiant de mettre dans le mille, en transférant ses frustrations en une saine tension électrique (Taste in men ou bien Haemaglobin en sont les exemples parfaits). La clé se trouve peut-être dans l’expérience, en tant que songwriter, accumulée par Brian Molko. Si les thèmes de la drogue, le sexe dual et le trauma post-adolescent pilotent toujours les salves de la « prima donna » Molko -comme il aime à se définir-, la démonstration n’est plus uniquement nombriliste.
Enfin, Black market music alterne des riffs répétitifs avec des compositions plus complexes. Commercial for Levi, une ballade calme sur des paroles tragiques, fait même tinter quelques clochettes spectoriennes (parmi d’autres trouvailles). En d’autres termes, il y a un motif et non plus un instinct sur Black market music, un album qui s’accepte dans sa globalité grâce à une dimension nouvellement acquise et qui complète de façon heureuse celle déjà maîtrisée de l’univers sonique et du talent mélodique : le sens de la durée.