Lorsqu’il sortit pour la première fois en 1979 sous l’étiquette Musica, le 33T s’intitulait For all the life you are in my heart ; comme le rappelle François Lacharme dans ses notes, les amateurs de jazz, auprès desquels il connut un beau succès, prirent vite l’habitude d’en parler comme du « disque rouge », à cause de sa pochette écarlate ornée de coquelicots. Faute de réédition, les mélomanes arrivés au jazz à l’ère du compact n’avaient jamais eu la chance de pouvoir se le mettre aux oreilles : après avoir publié voici un an un concert inédit en duo avec Barney Wilen, le label Paris Jazz Corner poursuit donc sur sa lancée dans la redécouverte de l’art élégant et subtil du guitariste bordelais Philippe Petit, lequel se tient aujourd’hui à l’écart des scènes hexagonales. Sept morceaux dont six compositions originales (l’unique reprise, Avenue, est signée John Abercrombie), un quartet de très grands jazzmen, des mélodies entêtantes qui marquent le musicien au-delà de l’instrumentiste : Philippe Petit, Aldo Romano (batterie), Dominique Lemerle (contrebasse) et Michel Graillier (batterie) signaient là une galette lumineuse et évidente, qu’on réécoute un quart de siècle après à la fois comme la manière de classique qu’elle est devenue et, au fond, comme l’excellent moment de jazz on ne peut plus actuel qu’elle est encore.
A qui ne connaît pas encore le son de Philippe Petit, Ecoute révélera un maître : fluide, précise, ronde, pleine de fulgurances bluesy, sa guitare ne va pas sans rappeler la touche d’un autre Philippe (Catherine) même si, comme l’écrit Lacharme, c’est finalement à toute la » généalogie » de la guitare jazz que puisent ses six cordes, de Django à Farlow et McLaughlin. Sans oublier, pour le lyrisme et la vibration, une pointe de trompette tendance Chet Baker, » affleurement d’une vieille dette qui donne à son jeu une qualité vocale, pulmonaire « . Pour le reste, l’entente des quatre musiciens et la musicalité atteignent ici des sommets : les seuls dialogues de Petit et Graillier dans I remember F.F. justifieraient à eux seuls l’acquisition du disque. Echanges passés que l’album fait revivre : pour saluer la mémoire de ses compagnons de jeu (en particulier Michel Graillier, qui a définitivement quitté la jazzosphère en 2003), Petit a ajouté un ultime morceau, Les Solitudes, enregistré à la guitare sèche et en solo en janvier 1996. Un post-scriptum au goût nostalgique, comme pour rappeler qu’aimer le jazz, c’est d’abord aimer ceux qui le font.