On n’avait plus eu de nouvelles des Pet Shop Boys depuis 1999, année où le très urbain Nightlife s’imposa, comme de bien entendu, à l’aide d’un single un peu caricatural : le néo-village peoplesque New York City boy. Peu avares de concepts ou d’idées, Neil Tennant et Chris Lowe reviennent, accompagnés de Johnny Marr à la guitare, avec cet album au titre comme une évidence : Release. Cette fois-ci, pourtant, il semble qu’ils n’aient pas cherché à coller autant qu’à l’accoutumée avec l’air du temps tant la tonalité générale de Release se livre sous un jour (délibérément ?) plus neutre et conventionnel.
Bien sûr, on retrouve l’habileté mélodique de ces orfèvres de la pop -qui connaît un titre des Pet Shop Boys qui ne soit pas un petit joyau mélodique ?-, mais ça n’est pas sans verser parfois dans le galvaudé : dès l’ouverture, Home and dry, single qui doit servir de faire-part pour l’album, navigue dans des eaux un peu trop familières, quelques peu plombé par une batterie stupide et un refrain parmi les moins inspirés dont les garçons aient pu accoucher. Ce sont peut-être les refrains, mais surtout l’orchestration, qui pèchent sur quelques titres : I get along, qui aurait la trempe d’un classique des Beatles, dans les couplets, se vautre dans du Oasis de bas étage, dès le refrain. Heureusement, au troisième titre, la grande classe est de retour et l’album peut véritablement commencer avec la ritournelle imparable de Birthday boy qui ressemble comme deux gouttes d’eau au plus beau slow de l’été à venir. On décolle ensuite pour London, autre morceau qui rate le presque parfait à cause d’une utilisation intempestive du vocoder qui gâche la magnifique voix de Neil Tennant et donne l’impression que les Boys découvrent tout juste Mirwais (après le reste de la planète quand même) alors qu’ils nous ont habitués soit à devancer les tendances, soit à se les approprier plus habilement.
C’est un peu la même remarque qui vient à l’esprit avec The Samuraï in autumn : un peu trop son Daft Punk pour surprendre, même s’ils transforment au final l’essai. Trop malins pour être pris au dépourvu, le groupe sait parfois nous convaincre en dynamitant sa posture mainstream par des lyrics au cynisme élégant : The Night I fell in love conte l’histoire d’un fan d’Eminem qui vit une nuit d’amour avec le célèbre rappeur homophobe (on attend la réaction du peroxydé white trash : va-t-il envoyer Elton John pour les castagner ?). Le nec plus ultra se trouve dans E-mail, ode aux messages électroniques doux -on n’a pas fait mieux depuis le Marilou de Polnareff- dont le refrain est à double-sens (« send me an e-mail who says I love you ») : c’est en jouant sur un potentiel manque d’amour, dont le Web semble être un symptôme, ou à tout le moins un symbole, qu’un pirate avait bien failli sucer les disques durs de tous ceux qui ouvraient, pleins d’espoir, un mail nommé « I love you ».
Ce sont ces quelques titres qui permettent à Release d’emporter la partie et de faire passer un début d’album un peu terne ou commun. Après quelques pépites habilement amenées, on est près pour la grande ballade grandiloquente que contient chaque album des Pet Shop Boys : elle s’appelle ici Love is a catastrophe (sans blague, vu le ton !) qui annonce le magnifique Home, où Neil et Chris se réapproprient le trône de songwriter qu’on ne veut pas les voire céder à d’autres.