Après une déferlante dans les années 80 d’un tout jazz-rock assez pénible, la dernière décennie a vu s’annoncer le lent déclin d’un genre musical qui, sans être mineur, tendait le plus souvent à s’égarer dans une longue suite de démonstrations techniques ennuyeuses au possible. Patrick Forgas, batteur français d’un certain renom, semble avoir toujours su se frayer dignement un chemin entre toutes ces modes vite passées et nous revient ainsi avec le deuxième album de sa formation Phenomena, ni jazz, ni rock comme à son habitude.
S’il faut chercher les racines de cet album extrêmement bien exécuté, on se référera plutôt aux ancêtres glorieux de la fin des sixties, entre Soft Machine et Hatfield and The North, bref toute une époque ! Car si l’attachement de Forgas à Robert Wyatt est manifestement total dans la composition et les couleurs musicales, le jeu du batteur n’en est pas moins original, à la fois terrien et aérien dans son utilisation décalée d’un jeu haut en cymbales. Une rythmique limpide donc, qui sous-tend une énergie ternaire et jazz en diable.
En de longues suites progressives, la musique du Patrick Forgas Band Phenomena arrive à convaincre par son attachement à des racines musicales nobles, même si un peu galvaudées de par le passé. Les cuivres sont placés intelligemment, la pulsation sourde d’une basse grondante installe un souffle puissant et cathartique, tandis que le duo guitare/clavier s’entrechoque avec un brin d’originalité. On ne saurait qualifier une telle musique d’originale, une profonde impression d’honnêteté et d’intégrité se dégage pourtant de cet album aux accents quasi mystiques. Grâce à la prestation instrumentale hors pair des intervenants, qui ne tombent jamais dans le piège de la virtuosité gratuite et indigeste, voilà ainsi un bon album de jazz progressif qui revendique clairement son appartenance à une histoire musicale glorieuse, celle des Robert Wyatt, Jaco Pastorius, Hugh Hopper et autres Richard Sinclair.