Saluons d’abord l’obstination et le travail de Dominique Grimaud, discret musicien (Camisynbsole, Vidéo-Aventures) et fin connaisseur de ce « certain rock (?) français » des années 1970, dont il a interviewé les principaux acteurs en deux précieux volumes, hélas épuisés. Sa passion d’anthologiste-redéfricheur connaît aujourd’hui un heureux développement avec la création de la collection qu’il dirige chez Gazul, Les Zut-O-Pistes, et dont voici le premier disque, consacré à un Pascal Comelade mal connu.
Sous la figure actuelle du musicien de baloche, tendance art brut, se cache un apprenti terroriste minimal, suivant les traces de Lamonte Young avec l’approbation tutorale de Richard Pinhas (Heldon). Back to schizo présente une collection de fragments qu’on croyait voués à l’oubli -Comelade ayant égaré ou effacé les bandes de cette période, avant de revenir sur sa palinodie en supervisant cette compilation inespérée-, publiés à des tirages limités (et difficilement accessibles de nos jours sous peine de s’endetter lourdement). La matière de ce disque est dès lors tissée de cette patine passée, liée au vieillissement des supports de reproduction (cassette, vinyle), tissée de craquements, souffles et parasites.
Nous sommes les témoins d’une exhumation, celle de l’époque où Comelade, enchaîné au Synthi AKS / EMS, rêvait, révérait, énervait, puis jouait avec ses modèles (Fripp, Eno, Wyatt), prenant progressivement ses distances et introduisant les éléments fondateurs de sa rhétorique : piano (jouet et non-jouet), glockenspiel, mélodica, complices (David Cunningham, Pierre Bastien, Jac Berrocal, Cathy Claret) et mélodies répétées. Car c’est au travers de la répétition de la mélodie que Comelade parvient à faire surgir un espace inédit, perpétuellement habité par la réminiscence, d’une puissance évocatrice infinie. Des morceaux tels qu’Automne, où la voix de Gavin Bryars, s’exprimant à la radio sur The Sinking of the Titanic, est génialement mise en boucle, ou Logique du sens, annonçant ce que beaucoup considèrent comme le chef-d’oeuvre de ce Comelade-là, Détail monochrome, méritent l’achat de ce disque.