Avec Receivers, son quatrième opus, Parts & Labor prouve qu’il est l’un de ces groupes capables de se renouveler sans perdre son âme. Parts & Labor, c’était il n’y a pas si longtemps ce trio incontournable des nuits de Brooklyn dont les guitares saturées, les électroniques distordues et la batterie frénétique faisaient palpiter le cœur des plus de “twenty-something”. Parts & Labor, c’est maintenant un quatuor qui, à l’instar de Sonic Youth à la fin des années 80, s’éloigne de ses racines hardcore pour se tourner vers des sonorités plus complexes, et un songwriting plus élaboré.
Apaisement ? Sans doute.« Les chansons de Parts & Labor sur nos deux précédents albums parlaient de chaos – celui du monde autant que celui de nos propres vies, expliquait Dan Friel lors d’une récente interview. J’ai pensé qu’il était temps de prendre un peu de recul, et de penser aux bonnes choses que ce chaos recelait ». Mais l’explication pseudo-psychologique ne suffit pas. Si Receveirs marque une étape dans l’évolution de Parts & Labor, c’est parce que ses deux membres fondateurs, Dan Friel et B.J. Warshaw, ont décidé de confirmer le tournant amorcé avec Stay afraid (2006) et Mapmakers (2007) en se lançant dans le songwriting au sens classique du terme (Nowheres nigh, titre phare de l’album, fonctionne selon le schéma traditionnel couplet-refrain) et qu’ils ont recruté à cet effet Sarah Lipstate à la guitare, et Joe Wong à la batterie.
Si l’on retrouve sur Receivers les éléments caractéristiques du son de Parts & Labor (des parties vocales en forme d’hymnes, un contrepoint de synthétiseur sous acide, des envolées de guitares lyriques), ce n’est pas par hasard que Dan Friel revendique pour cet album l’influence de Pink Floyd, époque The Wall (1979), et les incursions pop de Brian Eno. Finie, la fuite en avant de Stay afraid et de Mapmakers. Finie, la surenchère noisy. Puissantes et entêtantes comme des vapeurs d’opium, les huit chansons de Receivers cultivent un goût certain pour le psychédélisme, que l’on devinait sur les précédents albums sans qu’il soit pleinement assumé. Spacieuses et aériennes, leur – relative – longueur et leur – relative – lenteur laissent des arrangements d’une complexité kaléidoscopique se développer librement ; le noise, marque de fabrique du groupe, n’en est pas exclu (les membres du combo ont même mis à contribution leur fans, qui leur ont fourni des samples à intégrer au mixage), mais il est repoussé à l’arrière-plan, pour laisser les autres facettes de la musique s’exprimer.
L’arrivée de Sarah Lipaste et de Joe Wong compte pour beaucoup dans cette évolution. La guitariste, adepte de saturation, de distorsion et de feedback (auxquels elle consacre Noveller, son projet solo), étend le registre de son instrument en se piquant de passages plus folk (Mount misery) ; le batteur transfigure la section rythmique et, avec elle, la sonorité de l’ensemble du groupe. Sur les albums précédents, Christopher R. Weingarten rivalisait de frénésie avec la guitare et le synthé, faisant de la musique de Parts & Labor un véritable « mur de son » ; Joe Wong, adepte du « less is more , choisit un jeu minimal, qui donne une profondeur insoupçonnée aux chansons. Les sonorités shoegaze des autres instruments sont désormais soutenues par un beat rampant et obstiné, qui leur confère un groove dont on n’imaginait pas le groupe capable (Mount misery, Wedding in a wasteland), et une âme qui fait souvent défaut au genre.