On est très, très en retard pour vous parler du premier album de Papier Tigre puisqu’il est disponible depuis plusieurs mois (ruez-vous quand même), mais on se dit qu’il n’est pas vraiment trop tard puisque : 1- leur musique se fout du temps qui passe ; 2- c’est un disque vraiment super ; 3- à vue de nez, leur notoriété n’est pas prête de souffrir de décroissance (voir le compte-rendu de leur China Tour). Et puis, pour le coup, on y voit mieux avec le recul. Pour tout dire, à réécouter Papier Tigre (le disque) en cette saison morne, on se dit même que Papier Tigre (le groupe) est peut-être bien la meilleure chose qui soit arrivée au rock-français-chanté-en-anglais depuis des lustres. Emergé de la très fertile et très influencée scène post-hardcore (Fugazi) post math (tout ce que touche Ian Williams) post-folk (le guitariste chanteur Eric Pasquereau fait aussi en solo le très beau Patriotic Sunday) post un peu tout qui tournicote autour du label nantais Effervescence, notre trio guitare-guitare-batterie a les six doigts dans la prise arty hardcore June Of 44 / The Ex / Shellac / Fugazi, mais bourrine super crédible et sans détour éthique minimaliste relou comme la grande majorité de ses cousins européens. Pasquereau, qui a grandi aux Etats-Unis, a le grognement ianmccayalbiniesque haletant et ne fait jamais ricaner, ça joue singulièrement bien (mention au batteur P-A Parois, bûcheron des interstices qu’on peut aussi entendre dans le duo mathcore Room204), et surtout, ça compose frontal, sec, super efficace : plus Fugazi que Shellac pour le coup, le groupe fait rock et mat, gris et politique, limite riffs quasi metal burné, emboîte tout en petits hits violents et mélodiques, et fait couler la sueur et l’excitation dans tous les tours et détours de chacune des huit tranches de cette petite bombe admirable, à tester en live ASAP et tant que c’est possible.
Pendant ce temps-là, à Lyon, les juvéniles, pourtant déjà vétérans de Clara Clara ont enfin bouclé un premier album officiel à la hauteur de leurs concerts déluges de sueur. Un poil plus irrévérencieux que les nantais, Clara Clara aiment le bruit rose et catchy, et a le riff joyeux, limite concon : déroulant une impossible attache causative entre Lightning Bolt (ben oui), Deerhoof (forcément), Bis (si,si) et Quickspace / Th’Faith Healers (mais on est pas sûr qu’ils soient bien au courant), Clara Clara bourrine extatique, chantant (tout est psalmodié en chœurs peaux-rouges et ululements animaux), super coloré. Amélie Lambert fait vrombir des volutes d’orgue saturé (comme les cousins surdoués de Marvin, qui ont fait paraître leur premier album au cœur de l’hiver), Charles Virot cabriole, comme Les Claypool mais sans démo technique, avec une basse fretless (no joke), son frère François (bien connu, avec son nom en entier, pour une carrière solo pas moins époustouflante) ne rate presque aucun roulis dans l’effusion et les missiles s’enchaînent tout en heurt, tout en joie, funky ou heavy, ado, limite générique de sitcom canadien quand ça sourit EMO en plein (énorme « Les forces de l’amour »). Après le meilleur disque rock-français-chanté-en-anglais de 2007, le meilleur disque rock-français-sans-paroles de 2008 ? A dénicher absolument !