L’ambassadeur désormais consacré de la rumba zaïroise sur la scène internationale a fini par trancher. Plus besoin de mener une double carrière, comme il l’a fait jusqu’à présent, en signant à chacune de ses rentrées discographiques deux albums, l’un pour son public étiqueté afro piste de danse et l’autre pour les amateurs de tendance world pop rock. Son contrat chez Real World ayant pris fin l’an dernier, il était libre de renouer ou non avec cette formule qui a conforté son succès durant ces quinze dernières années. Mais il a préféré se lancer dans une nouvelle expérience qui réunit indiscutablement tout son savoir-faire en une seule production. Une aspiration fortement exprimée par le M’zée fulangenge (qui signifie « le sage qui souffle de bonheur ») à l’occasion de son cinquantenaire. Cet album raconte l’histoire d’un homme qui a toujours su se réinventer, en laissant la porte ouverte aux plus jeunes. Il y revendique haut et fort ses racines côté Kinshasa, avec un mélange subtil de toutes les variantes du moment sur les pistes congolaises où l’on fabrique le soukouss qui remue, avec du n’dombolo à souhait et du sebene à flots. Il signe et persiste dans ses choix d’ouverture vers le reste du monde, en y multipliant les influences. Rap, zouk, salsa, zoblazo…
Le flow de Tony Saad Madinda sur O’koningana s’élance à coup sûr sur les pistes des cousins parisiens du Bisso Na Bisso. Un duo avec Passi était prévu mais n’a pu avoir lieu, faute de temps. Le sample de Lady Shakara vient rendre hommage à la popularité du nigérian Fela, père de l’afro-beat. Martina-B. s’invite de façon originale à la cour des Antilles, avec un clin d’œil à la cuisine au manioc concoctée des années durant par la folle équipée musicale de Kassav. Guy Nsangue, leur bonne vieille basse, est de la partie. Jocelyne Beroard chante sur Bonjour daddy. Tito Puente est venu réduire avec sa trompette aiguisée le fossé qui sépare la rumba des deux mondes (des Caraïbes et de l’Afrique continentale). Toujours d’avant-garde, la musique du « M’zée » convie pour la première fois le xylophone dans cet univers qui reste profondément rumba. Un quatuor à cordes également. On regrettera cependant la présence trop appuyée du clavier sur quelques passages. Mais on saluera la générosité des cuivres ; la scène congolaise avait fini ces derniers temps par nous habituer à leur programmation pure et simple. Au final, l’album vous enveloppe de cette voix de rossignol qui a été la base du succès mérité de Wemba jusqu’alors, en alignant les surprises à chaque nouvelle écoute.