Dans le petit monde en pleine explosion du post-rock, il devient très courant de voir les acteurs les plus brillants de cette scène se consacrer à différents projets musicaux, que souvent seul le nom différencie. C’est le cas avec Tortoise, porte-parole hâtivement proclamé d’une scène de Chicago remarquable, qui voit ses musiciens dans des projets atomisés entre la post-pop de Toe 2000 et le jazz aride d’Isotope 217, on en passe et des meilleures. Ici, Pan American, c’est Mark Nelson, co-leader du très prisé Labradford, croisement ambient du son post-rock et des mélodies naïves d’un Pascal Comelade.
Dans Pan American, le son se focalise délibérément vers un mix réussi entre drones musicaux éthérés à la Labradford et parties de trompettes faisant furieusement penser au Miles des années soixante-dix. De la trompette bouchée en effet, servie sur un fond ambient de percussions légères, de vocodages discrets, de guitares atmosphériques et de fender rhodes totalement seventies. On est définitivement rassuré par l’honnêteté de la démarche de Mark Nelson au vu de son parcours exemplaire au sein de son projet solo. Œuvrant avec un premier album volontairement plat et clinique à l’imagerie post-rock, il continue ici avec une ouverture musicale bienvenue au jazz avec beaucoup de réussite. En France il a fallu attendre Eric Truffaz pour mettre le feu aux poudres tandis que nos voisins d’ECM produisaient déjà depuis longtemps des mixages électronique et jazz assez réussis. Là où Truffaz justement se complaît dans une attitude musicale et esthétique assez réductrice du jazz man hype et hip (on ne sait plus trop finalement) porté par la vague laudatrice des critiques en mal de nouvelles révélations, les scènes étrangères qui n’ont pas attendu un nouveau messie pour révéler les nouveaux sons du jazz, présentent une flopée d’artistes humbles et en retrait, et qui servent pourtant une musique brillamment originale. Pan American en est l’exemple actuel le plus probant.