Voilà deux disques édités par le passionnant label belge 62 TV Records, à qui on devait déjà les albums de l’excellent Matt Ward. Deux disques américains pur jus, mais le premier est français et le deuxième nous vient de hollande. La folk US n’ plus de frontières, la mélancolie des grandes plaines frappe aussi les âmes sensibles de ce côté-ci de l’Atlantique. En témoigne ce premier véritable album du singer/songwriter Laurent Vaissiere, aka Paloma. On avait déjà repéré cette voix grave sous ce patronyme féminin sur diverses compilations : Acuarela, Arbouse, ou cette reprise de See Emily play sur la compile hommage à Syd Barrett du label norvégien Krank. Et ce premier opus du jeune homme confirme tout le bien qu’on en pensait. Enregistré par Tim Hurley (Califone/Sin), Actresses date actors tisse un délicat voile de perles folk, faites de guitares boisées, de voix feutrées et de douces mélodies, mais sans jamais tomber dans la répétition des gimmicks conventionnés. Entre les mélodies codifiées par le meilleur de la musique américaine (pedal steel, banjo), Paloma sait nous surprendre avec grâce : les premiers accords de Faraw semblent s’inspirer de la musique baroque, Social worker commence par des harmonies vocales à la Beach Boys avant de se lancer dans une visite guidée de la plus belle maison du Neil Young électrique (avec ce beat lent qui claque, si particulier…), Dashboard lights commence en oiseau noir et finit en flamand rose, des inserts de clarinettes sont semés de ci de là, un beat électronique introduit Safety margins… Ce sens du détail qui fait mouche fait aussi de ce disque un disque psychédélique, un mariage contrasté de textures et de saveurs. Mais qui ne serait rien sans le véritable talent de Laurent Vaissière pour écrire des chansons, des chansons qui se tiennent, et qui vous prennent par la main. Bons voyages.
L’autre disque présenté ici est celui de John Wayne Shot Me, juvénile groupe hollandais, qui enchaîne à toute vitesse et avec bonheur les vignettes de toutes les couleurs, entre psychédélisme façon The Rutles (groupe psychédélique initié par Kramer de Shimmy Disc et Eric Iddle du Monty Python, pastichant les Beatles), lo-fi punk à la Moldy Peaches, punk sautillant à la manière d’Uncle Wiggly, cris dans micro pourri façon premier Sebadoh, petits bruits comme Paste, mélodies à pleurer façon Dump. Toute cette culture indie lo-fi américaine des années 90 initiée par un label comme Shrimper, qu’il serait peut-être effectivement temps de redécouvrir. Le tout agrémenté de petits Casio aux sons cheap, distançant le tout dans le second degré et l’humour enfantin. Il y a même un morceau en français, intitulé Le chat, la patronne et un jour chaud, qu’on rapprochera du classique La Mer de Jazz Butcher. Même non-sens gracieux.
John Wayne Shot Me, comme Paloma, savent surtout pondre de jolies mélodies, et structurer leurs morceaux pour les rendre intensément agréables et réécoutables très souvent. Leurs disques passent en boucle sur ma platine. Paloma quand je déprime, JWSM quand j’ai la pêche.