Pour son deuxième album sur Rephlex, Aleksi Perälä, aka Ovuca, nous gratifie de près de deux heures de musique, réparties sur quatre 33 tours vinyles et 71 morceaux, la plupart sans titres, géniaux ou anecdotiques : un accord de synthé mis en boucle pendant trois minutes, vingt secondes de beats bondissants, des tentatives aphextwiniennes tordues, des digressions drum’n’bass paupéristes ; Onclements ressemble à une série de propositions musicales minimalistes, liminaires d’une démonstration sans cesse repoussée. La plupart de ces tentatives avortées se réduisent à des rythmiques electro travaillées, oscillant du sourd à l’aigu, sur lesquelles sont plaqués de maigres samples (voix d’enfants, paroles indistinctes, nappes rachitiques), répétitions lo-fi de sons synthétiques agencés sans ordre apparent, superpositions hystériques et mort-nées, canevas de pop-songs brutalement stoppés, le tout produisant l’impression explosive d’un éclatement des formes, d’un chaos d’éléments disparates auquel manque l’assemblage, la juxtaposition pour fournir un ensemble cohérent. Comme si on entendait les pistes séparées d’un morceau en chantier. On écoute donc Onclements par à-coups, un beat par-ci, un sample par-là, en un zapping permanent, une succession d’idées courtes, immédiates, sans passé ni avenir, disparaissant à mesure que le diamant parcourt le sillon.
Cette débauche d’ébauches dessine les contours indistincts d’une création musicale complètement dégagée de la contrainte formelle d’une structure prédéterminée, Ovuca se situant dans la veine expérimentale et libérée du label de Richard D. James. La gratuité, l’évanescence de cette production renvoient à une totale absence d’ambitions commerciales, une volonté de voir disparaître toute notion de format, vers une destruction juvénile des règles, une adolescence hyper-dynamique, un « caractère destructif » qui fait de la place, qui crée un espace de jeu, mais qui ne laisse aucune trace, ne s’inscrit dans aucune parole, aucune théorie musicale. Même si Onclements est défini par Ovuca comme relevant de la « braindance », cette musique ne donne pas à penser, elle se vit comme une expérience de ruptures, de coupures, de changements, d’associations d’idées décousues, de mini-songs dérisoires. Et cette dérision est le fond d’une critique spontanée (comme on parle de combustion spontanée) des habitus formels de notre mémoire musicale. En ce sens, Onclements est jouissif, mais inconséquent. Naïvement révolutionnaire.