Quelques mois seulement après le magnifique Ovalprocess qui marquait une nouvelle étape décisive dans l’évolution musicale de la musique d’Oval, aujourd’hui terrain d’expérimentation exclusif de Markus Popp, voici déjà la suite. Ce qui n’est pas vraiment une surprise en fait, puisque depuis l’élaboration définitive de « Ovalprocess », le software, élaboré au sein de l’ultra-puissant Max/MSP de l’IRCAM et essentiellement basé sur la déconstruction aléatoire de musiques préexistantes, Popp a redéfini le projet Oval comme lieu d’expérimentations continues dont les sorties disques constituent en fait l’archivage progressif d’un vaste work in progress. On ne sera donc pas étonné de découvrir qu’une grande partie du matériau musical de ce nouveau Pre/commers provient des disques précédents d’Oval… En attendant la publication sans cesse repoussée du software en lui-même dans le domaine public, qui permettra à monsieur-tout-le-monde de réaliser ses propres morceaux d’Oval et de défier l’establishment de la musique mainstream (« the only thing left undone in music is sabotage », prétend en effet Popp), nous sommes donc encore obligés d’acheter les disques.
Ce qui est loin d’être un calvaire, au vu de la qualité du travail sans cesse évolutif de Popp : évolutions dues à des nouveaux paramètres du logiciel, peut-être, mais peu importe au final. Car la remise en question du lieu de la création artistique et musicale et de la place du créateur/artiste/musicien est loin d’être une nouveauté : le logiciel de Popp et son utilisation de l’erreur digitale (des clicks de sauts de CD de la forme préhistorique d’Oval époque Wohnton et surtout Systemisch jusqu’aux matières sans cesse sabotées de ce Pre/commers apocalyptique) ne sont finalement que des formes modernes appliquées à la pop music, à laquelle Oval demeure très fortement lié, jusqu’à l’introduction du hasard et de l’aléatoire dans la création musicale par Marcel Duchamp puis John Cage dans la première moitié du xxe siècle. Notes tirées au hasard du I-Ching ou utilisation d’algorithmes aléatoires, même combat, même propos. Ce qui importe est que Popp ait lui-même élaboré son processus musical de déconstruction/reconstruction, dont la logique et l’illogisme sont ici repoussés dans leurs derniers retranchements.
Jamais la musique d’Oval n’aura en effet été autant fragmentée, violente et rétive, tout en demeurant musicalement assimilable. Paradoxe merveilleux qui donne aux morceaux de Pre/commers une richesse esthétique et musicale inespérée, inattendue. Les textures fourmillent d’effets de surface inédits, la saturation numérique renvoyant les lambeaux de mélodie au néant : Popp brise sans cesse la linéarité pour interroger le contenu sémantique de sa musique, décompose à l’avance pour faciliter la lecture des auditeurs. Jamais un disque de bruits n’aura été aussi ludique, jamais une proposition avant-gardiste n’aura été aussi évidente. Pour tout cela Pre/commers est une leçon magistrale de musique intelligente.