Jello Biafra des Dead Kennedies, Tortoise, Stereolab, L7, Beck et les Beastie Boys, tous ont cité les Os Mutantes parmi leurs groupes préférés. Il est rare qu’un groupe brésilien, de surcroît totalement inconnu, soit l’objet d’un tel culte auprès de tant d’artistes rock. En sortant une compilation couvrant la période la plus prolifique des Os Mutantes (cinq albums entre 1968 et 1972), Luaka Bop, label fondé par David Byrne, poursuit avec bonheur son travail d’exploration musicale du continent sud-américain. Il est désormais possible de partager l’intérêt suscité par ce trio de hippies de São Paulo, composé de la sensuelle Rita Lee et des freak brothers Sérgio et Arnaldo Baptista.
Les Os Mutantes furent révélés au grand public lors du houleux second Festival de la musique populaire brésilienne réunissant, entre autres, Gilberto Gil et Caetano Veloso. Comme Dylan au festival de Newport, Gilberto Gil et les Os Mutantes firent scandale pour avoir introduit la guitare électrique dans le sanctuaire de la musique brésilienne, traditionnellement acoustique. Ce scandale constitua l’acte fondateur du Tropicália, mouvement artistique auquel se joignirent la chanteuse Gal Costa, le compositeur Tom Zé et de nombreux écrivains. La rupture avec les anciennes formes musicales était désormais consommée. Le mariage entre la samba et le rock était définitivement scellé.
Les trois premiers albums des Os Mutantes furent produits par Rogério Duprat, disciple de John Cage et véritable architecte sonore du Tropicália. Rogério Duprat est à la musique tropicaliste ce que George Martin fut à la pop anglaise : un alchimiste créant des textures et des collisions de sons inouïs.
Os Mutantès (1968), leur premier album, est de loin le plus fascinant avec ses reprises des classiques du tropicalisme. Panis Et Circenses de Veloso et Gil, Baby de Veloso et A Minha Menina de Jorge Ben sont passés à la moulinette des Os Mutantes dans une explosion de collages sonores et un déferlement de guitares fuzz. L’album Os Mutantes est le Sergent Pepper Lonely Heart Club Band brésilien, ce n’est donc pas un hasard si cette compilation ouvre la série des World Psychedelic Classics de Luaka Bop.
Sur les deux albums suivants, Mutantes (1969) puis A Divina Comédia ou Ando Meio Desligado (1970), la tornade musicale des Os Mutantes poursuit sa trajectoire débridée et jubilatoire, agrémentée d’innocentes ballades distillant une poésie subtile et subversive, peu appréciée des autorités militaires au pouvoir en 1969. A partir de 1971, le groupe s’assagit, avant de sombrer dans un rock progressif insipide après le départ de Rita Lee en 1972. On se délectera quand même d’un titre de l’album inédit des Os Mutantes, Technicolor, enregistré à Paris (ils jouèrent à L’Olympia !) et paru finalement sur Jardim Eléctrico (1971) : la version aphrodisiaque de Baby, chantée cette fois en anglais par Rita Lee, est un de ces trésors retrouvés par David Byrne.