Onyx fait partie de ces rares groupes de hip-hop à avoir inventé un style. Look de skinheads, uniformes noirs, Timberland serrées bien fort, grimaces, katas et pistolets mitrailleurs, lorsqu’ils ont débarqué dans l’arène rap il y a dix ans comme un commando du FSB fondant sur un preneur d’otage tchétchène, les quatre (puis bientôt trois) Onyx ont l’espace de quelques mois laissé croire que Def Jam avait trouvé les nouveaux Run-DMC. On put alors penser, sur la foi de deux singles directs comme un coup de pompe dans la gueule –Throw your gunz et Slam– et d’un album (le premier Bacdafucup), que l’avenir serait au gangsta-rap boots-in-ya-face. Le seul problème, c’est que l’auditeur de hip-hop moyen des mid-90’s, envapé par les fumées de chronic, préféra rapidement aux films d’action d’Onyx les virées en low-rider avec Dre, Snoop et Daz, et qu’il laissa nos trois bootniggaz pendus comme des cons à une corde de rappel dans les photos du livret de Shut’em down (leur troisième effort sorti dans l’indifférence quasi générale, en 1998). Le groupe splitta peu après.
Mais il en fallait plus pour abattre ces grandes gueules qui, lâchés en solo, se sont signalés depuis par des LPs honorables (on a eu l’occasion de signaler dans ces colonnes tout notre intérêt pour l’album de Sticky Fingaz, le très « film pour samedi soir sur RTL9 » The Autobiography of Kirk Jones). Dans ce contexte, et avertis des précédents Dre et Nas, on n’a pas été vraiment été surpris d’apprendre il y a quelques mois qu’Onyx s’était reformé pour donner un successeur à son semi-classique premier album. Restait à savoir si, en termes de réussite artistique, on était plutôt du côté Chronic 2001 ou Tical 2000. Un peu des deux, en réalité : si Bacdafucup part II n’a pas la puissance déployée par Dre lors de son grand retour, il n’est qualitativement pas aussi éloigné de son modèle initial que le Method Man.
Il faut dire que l’affaire commence très bien. Ouverture martiale et violente avec What’s Onyx, poursuite sur le même rythme primitif avec Bring‘em out dead, pour finir le souffle coupé par le blast du monstrueux Slam harder, qui réussit à secouer davantage avec le hippie John B. Sebastian (!) qu’avec les gros musclés de Biohazard, dont la reprise de Slam en 1994 offrit à Onyx le public rock de MTV (le temps d’un été). Trois tires qui forment une belle série de directs et d’uppercuts soniques comme Onyx n’en avait plus enchaînés depuis… ses débuts, justement : même simplisme brutal de la production, mêmes éructations rageuses, même jouissive débilité des lyrics (« O-N-Y-X blablabla back blablabla gunz blablabla in the hood », etc.). Pas étonnant qu’ils continuent à s’habiller en noir : si les Onyx étaient un groupe de rock, ils seraient plus Slayer que le Velvet Underground.
Hélas, après avoir brûlé l’asphalte au démarrage, la machine Bacdafucup part II donne l’impression que Slam harder, en plus d’avoir fait exploser nos oreilles, a également fait péter son moteur, l’album prenant soudain un tour beaucoup plus apaisé (comprendre : Westcoast), et nettement plus inconsistant (comprendre : il y a des parties chantées). Pour ne rien dire de la contribution d’Onyx à la mémoire du 11 septembre, l’invertébré Feel me. Tous les titres ne sont heureusement pas de cette mauvaise farine, et Sticky, Fredro et Sonsee savent aussi se rappeler par moment qu’il ne sont jamais meilleurs que dans la simplicité, y compris dans leurs nouvelles manières néo-californiennes, comme avec Big trucks qui, avec son refrain à la Kokane, offre un excellent démarquage de Dre, bien dans la lignée du LP solo de Sticky Fingaz. Mais il est vrai qu’un groupe qui se permet de démarquer The Fat boys are back en Onyx is back ne peut pas être mauvais…