Il y a des causes, si sympathiques soient-elles, qui semblent indéfendables. L’harmonica-jazz pourrait bien en être, sans le pouvoir de conviction du jeune Réunionnais Ker Ourio, héraut bien solitaire d’un instrument jusque-là relégué aux fins d’anniversaires cafardes de l’enfance, ou bien à l’esthétique galvaudée d’un Mississippi de nostalgie.
Avec ce second album, Olivier Ker Ourio remonte sa généalogie bretonne (sa famille a définitivement quitté Lorient pour l’Océan indien en 1728) avec émotion et volubilité, prouvant efficacement que bop, rock et maloya s’acoquinent aussi dans son biniou chromatique.
On s’étonne en effet qu’ayant la vedette, les flonflons métalliques de la chose ne finissent par lasser, voire par franchement agacer. Mais on doit le miracle surtout au ressac ému des compositions de cet élève de François Jeanneau, ainsi qu’au soutien particulièrement inspiré de ses compagnons d’équipage : son voisin de latitude Tony Rabeson (Madagascar), qui compte parmi les batteurs les plus sollicités du moment (l’ »Azur Quintet » de Henri Texier, Bojan Z…) ; les Bretons Pierrick Hardy (g), aux francs accents de John McLaughlin (Entre deux mers) et Gildas Boclé à la contrebasse, l’archet incisif et précis sur Mister Oko ; Pierre de Bethmann enfin (Fender Rhodes et piano), élégant pilier du groupe Prysm, et dont les références personnalisées à Bill Evans ou Hancock ont pour effet de créer des atmosphères en suspens, indispensables pour l’étoffement des morceaux (Brouillard sur le Maïdo).
Si les mélodies sont limpides et évocatrices (Maloya la terre volcan, Embona…), on déplorera en revanche certains tics narratifs (syncopes, trilles…) un peu trop récurrents de Ker Ourio, probablement dûs aux possibilités techniques réduites de l’instrument. Mais nul doute que ce disque est un médiateur rêvé pour nous désempêtrer de nos stupides réticences.
1) Oté l’ancêtre! – 2) Maloya la terre volcan – 3) Entre deux mers – 4) Brouillard sur le Maïdo – 5) Mister oko – 6) Sur les quais de Lorient – 7) Embona – 8) Les Maures – 9) Oté l’ancêtre ! – 10) Candy men
Olivier Ker Ourio (harm, kayamb), Gildas Boclé (b), Pierre de Bethmann (p, Fender Rhodes), Tony Rabeson (d, kayamb), Pierrick Hardy (g), Denis Leloup (tb)
Enregistré en février 1999 au studio Pee Wee