A deux mois de succomber de sa maladie, Nusrat Fateh Ali Khan s’était essayé à l’exercice difficile en 1997 d’une dernière mise en boîte dans un studio de Lahore, malgré les limites apparentes d’une voix qui commençait à sérieusement perdre de sa puissance. C’est de ce travail qu’il s’agit sur cette nouvelle galette. Soutenu par des voix secondaires proches -son frère et son neveu surtout-, le maître du qawwali (chant mystique de tradition soufie, originaire du Pendjab) parvient à aligner quelques moments de grâce, qui remuent les plus belles plages de son succès passé. Poèmes profanes qui s’entremêlent avec le sacré, louanges du prophète Mahomet et de son Seigneur, petites acrobaties vocales, claquements de mains, jeu éclaté d’harmoniums, etc. Le phare scintille comme toujours sur son ensemble. Et Dust to gold (de « poussière en or ») correspond véritablement à une dernière offrande au divin (Master it is only you) de la part d’un génie populaire qui savait allier élégance et classicisme dans ses interprétations. Les quatre titres composant l’album ravivent une flamme de l’histoire du patrimoine musical mondial.
Ce disque ramène parmi nous l’esprit d’un homme, qui avait su ravir à la fois la planète entière et sa terre d’origine. Un homme capable à la fois, au nom d’une passion quasi maladive pour son art, de passer d’une pièce traditionnelle pure à l’animation d’une fête mondaine, en passant par l’enregistrement des remix les plus inimaginables pour un public encore plus large. Sur le label Real World, il avait enregistré sept albums à tendance fusionnelle. C’est aussi là qu’il signera son fameux succès Mustt Mustt, produit par Michael Brook et remixé ensuite par le groupe de Bristol, Massive Attack. Disparue à 49 ans, cette voix plus que phénoménale n’a eu de cesse durant toute sa vie de vouloir vulgariser avec classe et respect un art séculaire, qui fut souvent destiné à un seul public. Il était surtout obsédé par le désir de partager le message divin à travers la musique avec le monde entier. A une journaliste de la BBC, il disait : « la fonction du qawwali est de réduire la distance entre le Créateur et le créateur. Certes, sa maison originelle est le temple, mais, sur scène, il devient un entertainer et c’est bien ainsi. Chacun peut avoir son niveau d’approche… Les temps changent et parfois c’est à nous aussi de changer. » Qu’il repose en paix. Et que sa musique continue à briller avec autant de force et de générosité que sur cet enregistrement qui paraît à titre posthume.