Children of the black sun est déjà le douzième album de Boyd Rice, aka Non, un des artistes américains les plus controversés de sa génération (quand on voit sa photo, on comprend déjà un peu pourquoi). Sachez d’abord que Boyd Rice possède une des plus importantes collections de Barbie au monde et qu’il est membre officiel de la secte l’Eglise de Satan. Dans les années 70, il a construit plusieurs albums bizarres autour de simples boucles extraites de ses albums préférés de girl’s band de pop bubble-gum. Il adore The Partridge Family et The Shangri-La’s et sa connaissance du genre lui a permis de parrainer l’année dernière une compilation de tracks obscures, intitulée Boyd Rice presents music for pussycats). Parmi sa prolifique discographie, on trouve aussi Easy listening for the hard of hearing, une collaboration avec Frank Tovey (aka Fad Gadget), ou Might!, un concept-album dont les textes sont basés sur le livre du social-darwiniste Ragnar Redbeard, Might is right. Pour mieux cerner le personnage, ajoutons que Boyd Rice se serait par ailleurs déclaré en faveur de la « guerre totale »… (rien de comparable en revanche à ce que déclare Fritz Zorn à la fin de Mars…).
Musicalement, les travaux de Non s’apparentent généralement à de la musique industrielle et les expériences que constituent ses concerts comptent sans doute parmi les trucs les plus horribles qui puissent vous arriver. En tout cas, parmi les plus intenses. Inspiré, paraît-il, par le gnosticisme, ce douzième album est plutôt une sorte d’expérience sonore du nihilisme (Non étant un nom assez nihiliste par ailleurs…). Une succession de juxtapositions de longues boucles de bruits blancs inamovibles, de litanies sourdes et tendues, réverbérées comme dans une cave immense, comme une mouche qui vrombit éternellement au creux de l’enfer. L’album comporte sept de ces trous noirs à pics, sept plages de cendres, comme si la volonté de puissance malade de Wagner s’était mise à jouer du Ligeti ou du Nono, en regardant d’un oeil à moitié fermé Blue velvet sur le câble. Le CD est accompagné d’un DVD qui vous donne la possibilité d’écouter ce disque en super dolby sur vos multiples enceintes. Ce qui donne cette impression intéressante que Boyd Rice est partout…
Personnellement, j’ai toujours préféré Oui-Oui à Non. Ou Simon Fisher Turner, par exemple, qui sort ces jours-ci sur le même label un album d’une étrange musique. Produit par Kevin Paul et Simon Fisher Turner, Swift a bénéficié de multiples collaborations : Gilad Atzmon, The Action Jackson Orchestra Perhaps, Asaf Sikris, Medieval Babe Dorothy Carter, ou encore le français Norsque. Ont également participé au projet, le producteur japonais Aki Onda, l’artiste vidéo Doug Aitken, les voix de Karen Thiele et de Tali Atzmon. Le disque compose « 20 pièces de musique, film et silence ». Passant du coq à l’âne, de la déconstruction électronique à la musique traditionnelle, du jazz écrit aux spoken words beat, l’objet sonne new-yorkais et conceptuel, mais sans réel concept. Avec son supplément DVD (un cut-up assez prenant d’images d’archives au ralenti, de catastrophes aériennes, de SFT en train de se faire couper les cheveux, de vidéos urbaines…), il évoque la période multimédia de Wim Wenders, avec le mauvais goût et les fulgurances afférentes, ou l’intellectualisme de Derek Jarman, avec qui SFT a longtemps travaillé. Une sorte de projet de galerie d’art quadra. Vu la surabondance d’informations qui nous assaille de partout à chaque instant, celles-ci nous semblent bien superflues. Et personnellement, j’ai toujours préféré le projet pop de Simon Fisher Turner, The King of Luxembourg.