NLF3 correspond à Nicolas Laureau (le N), Ludovic Morillon (le L) et Fabrice Laureau (le F), tous trois anciens membres de Prohibition, groupe fer de lance de la scène post-punk française, « mis en stand-by » le temps de cette gâterie improvisée, un double album de morceaux instrumentaux, sans titres (sinon 1.1, 1.2, 1.3, etc.), très courts et joués live, construits autour de boucles de guitare ou de basse, agrémentés de petits solos minimalistes et de légers bruitismes à basses fréquences.
Le projet NLF3 tourne autour d’une dialectique de la modestie et de l’ambition, la production lo-fi et le format réduit des morceaux pour la modestie, le double album et la volonté de marcher dans les traces des maîtres de la musique improvisée pour l’ambition. Entre Grubbs et Fela, post-rock et free-jazz, mécanique et organique, les vignettes de NLF3 mélangent systématique répétitive de la boucle et inspiration débridée de l’impro. Avec une ostentatoire ironie envers les théorèmes techniciens de la culture jazz-rock. Solos manqués ou simplicité revendiquée, on ne sait. Le résultat est lassant ou surprenant, selon l’humeur, et fonctionne comme une musique d’ascenseur lettrée, du Ken Nordine sans voix, de la library music de deux minutes, du krautrock du pauvre. Avec des particularismes jazz (solos d’orgues à la Herbie Hancock, mais sommaires) ou de musique ethnique (l’Afrique vue par le petit bout de la lorgnette). Musique d’ambiance, donc, mais qui se laisse lire : spontanéité et improvisation donnent à voir clairement le processus d’élaboration des morceaux, de manière assez jouissive. Musique transparente donc, et évocatrice dans ses multiples références revendiquées.
On a donc plaisir à écouter ces 27 morceaux comme le trio semble avoir eu plaisir à les enregistrer. Le parti pris naturaliste de la production, l’impression de sincérité et d’amour de la musique dans ce qu’elle a d’essentiel (jouer ensemble, chercher la note juste), qui affleurent ici, tranchent avec l’excessif formatage de la production musicale contemporaine, l’utilisation de recettes, l’absence de spontanéité, de kaïros (qui serait le bon moment de la note juste, l’unique et l’instantané). NLF3, s’il se présente modeste, est donc également un projet ambitieux en ce qu’il vise à rétablir une conception primordiale, élémentaire, de la musique. La musique n’a pas nécessairement besoin d’être efficace pour être vraie.