Un peu à la manière d’Iggy Pop, Neil Young a traversé les décennies en récoltant un public neuf à chaque nouveau courant. Il faut dire que l’un et l’autre n’ont jamais cherché à être à la mode, traçant leur route en se moquant pas mal des tendances… Leurs couronnements respectifs de parrain du punk et du grunge les ont vaguement flattés, alors qu’on imagine certains rockers quinquagénaires s’entre-tuant pour une telle étiquette.
Après l’association avec Pearl Jam (Mirror ball) et Broken arrow en compagnie de Crazy Horse, Neil Young revient seul -fait exceptionnel- sur l’acoustique Silver and gold. L’album lui aura pris trois ans et autant de versions provisoires avant de voir le jour pour de bon. Entre-temps, le Canadien a retrouvé ses anciens collègues Crosby, Stills & Nash et leur a offert quatre morceaux destinés à leur propre album. Il a, heureusement, conservé de jolies pépites présentes sur cet opus presque parfait, autour duquel flotte l’ombre du passé. Neil Young y adopte un ton nostalgique et semble dresser le bilan de sa vie. Il commence en chantant Good to see you, ode aux retrouvailles, sculptée à l’harmonica et à la guitare ; souligne le temps écoulé dès les premiers vers de Silver and gold, qui a plus en commun avec Heart of gold que la seule mention d’un métal précieux. Le point culminant de cette accumulation de souvenirs s’intitule Buffalo Springfield again. Et si certains y ont vu la trace d’un embarrassant passéisme, tant pis pour eux. On y entend surtout une formidable candeur, des regrets et une spontanéité devenue précieuse dans la société du paraître-cool : Neil Young se fout de sa cote de crédibilité quand il avance qu’il aimerait bien reformer son ancien groupe, juste pour voir…
L’autre ingrédient dominant ici est un son très sobre et dépouillé, dont les seules fantaisies sont les touches de pedal steel qui donnent une touche de country traditionnelle à Good to see you ou Red sun. On pourrait énumérer une foule de petites imperfections, du bruit des doigts glissant sur les cordes d’une guitare à un solo d’harmonica à la limite de la justesse. Autant d’aspérités qui rajoutent du charme à un album déjà attachant et accompagnant bien la voix de Neil Young, parfois si haut placée, si fragile qu’on redoute qu’elle se brise.