Retour en forme de lifting pour Nancy Sinatra, avec sa propre fille, AJ, en chef de bloc (choix des sommités convoquées au chevet du malade) et au scalpel (production regénérante). L’effet escompté est obtenu : le son des bottes country et les ambiances saloon, déjà un peu remis en selle par l’alternative country, ravira tout un chacun, le genre étant bizarrement devenu exempt de toute critique (le point culminant étant sans doute atteint avec le diablement nashvillien Greatest palace music de Bonnie Prince Billy). Cet album est donc plutôt bien accueilli : ici et là, on loue le choix judicieux de « sang neuf » (?) et cette production éloignée du traitement FM tartiné sur les disques de vieilles gloires… On se demande ce qui motive cette indulgence malvenue : les prétendument « jeunots » sollicités ont quand même de la bouteille, tel ce Jon Spencer, radotant son Iggy Pop sur un Ain’t no easy way poussif ou ce Morrissey gluant sur un Let me kiss you qui ne brille pas par sa fraîcheur. Pourtant, l’album commence assez bien avec Burnin’ down the spark, si l’on goûte la sauce Calexico, mais il faut convenir que la voix pimpante et sexy de la Nancy de These boots are made for walking a déjà laissé la place à une timbre déjà plus vintage… Question d’accordage de libido, brancher sur « granny » pour apprécier la sauce. Il y a quelque chose d’un peu pitoyable à entendre Nancy Sinatra planter ses minauderies, par manque de souplesse, sur la ballade sans grâce de Jarvis Cocker, ce Don’t let him waste your time qui sonne comme un bilan sur l’album : pourquoi ils lui ont fait perdre son temps, ces pointures du rock international ? En effet, on peut se demander quel intérêt cela peut revêtir de l’entendre camper encore et toujours la créature sexy, quand un registre renouvelé, ou tout du moins plus mature, pourrait tout a fait fonctionner. Si quelques-uns on fait des efforts de songwriting, comme Bono inspiré sur One shot of happy, one shot of sad, l’album ne va malheureusement nulle part, par le manque d’implication assez criant de Nancy Sinatra. En éternelle enfant star, elle se promène dans son parc d’attraction, hors du monde, avec l’illusion d’être toujours la princesse de la cour. Tous lui ont joué la carte du revival sous vide, de Steven Van Zandt à Pete Yorn, à l’exception notable de Thurston Moore, seul participant à être parvenu à emmener notre sorcière bien-aimée un peu plus loin que le bout de son nez pour un Momma’s boy tellement fangeux qu’elle a bien été obligée d’y poser une voix plus impliquée et perverse. On attend le songwriter capable de lui écrire une sorte de Sur la route de Madison musical.
Le prétendant au titre pourrait tout a fait être le vieux Lee, celui-là même qui avait confectionné un registre à la mesure de ses ambitions à la lolita Sinatra, sorte de Barbarella en 3D des sixties… même s’il avait du supporter ensuite les foudres (et les menaces assez concrètes de représailles mafieuses) d’un paternel qui avait tout saisi aux sous-entendus graveleux de merveilles comme Some velvet morning, après lesquelles les Tindersticks ne sont pas prêts d’arrêter de courir. C’est à ce moment-là que sortait Nancy & Lee 3, troisième épisode d’une saga commencée à la fin des années 60. Pas un rapide, le Lee… Malheureusement, la lumière ne brille pas davantage dans ce tunnel encombré d’orchestrations cheap (la totalité de l’album ou presque), de reprises de vieux titres de Lee (Gipsys & indians) ou du massacre en règle de standards (un Save the last dance for me branché directement sur le Karaoké d’un rade de la frontière mexicaine), toujours sur le même registre gaillard (Pack saddle saloon) malgré les 64 printemps de la demoiselle et les 74 hivers du garçon… On a l’impression d’être resté coincés dans la série Shérif, fais-moi peur, que les acteurs ont joué en continu toutes ces années le même rôle, sans que les scénaristes ait pu apporter une idée fraîche. Les héros sont bien fatigués… et c’est un fan de longue date qui vous le dit !