Ce groupe a mauvaise réputation. En tout cas, pour le journaliste snob dans mon genre, qui il y a peu, considérait Nada Surf comme un groupe social traître, dont les albums de rock FM étaient bien trop compressés pour être honnêtes. Petit rappel historique : en 1995, après un single remarqué, le trio américain signe chez Elektra et rencontre Rick Ocasek qui produira leur premier album High/low. Un gros carton FM, comme on s’en souvient. Nada Surf enregistre ensuite The Proximity effect en 1998 avec Fred Maher (Luna, Lou Reed). Mais le disque ne plaît pas à Elektra, qui refuse de le sortir aux Etats-Unis. Seul le public européen a ce privilège… Et réserve un très bon accueil au nouvel album. Du coup, Nada Surf bataille pour récupérer ses droits et pouvoir enregistrer un nouvel album, Let go, qui attendra 2001 pour être mis en boîte, et 2002 pour sortir chez Astralwerks (USA), Heavenly (GB) et Labels en Europe.
Et la surprise est bonne : des guitares acoustiques ou électriques régulières comme des boucles de Swell, énervées comme les suites d’accords de Sebadoh ou de la meilleure power-pop anglo-américaine (Teenage fan Club en bonne place), avec un chant en douceur, à la Big Star, une voix claire très en avant. Même si certains morceaux rappellent plus Coldplay que I’m popular, ces garçons semblent avoir à nouveau bon goût. La preuve : le meilleur morceau de l’album, une balade (dans tous les sens du terme) intitulé Blonde on blonde, où le narrateur, se promenant dans New York, raconte comment tous ses problèmes disparaissent quand il met Blonde on blonde de Dylan dans son walkman. La chanson, plus velvetienne que dylanesque, doucement magique, puissamment mélodieuse, vient enrichir un album libéré, alternant rock tendu et délicatesses pop.
Produit par Chris Fudurich (qui avait aussi enregistré The Proximity effect), Let go voit Nada Surf renouer avec une certaine authenticité, qui s’avère être, comme par hasard, un gage de qualité. Malgré quelques ponctuelles graisses superflues (les habitudes se gagnent plus facilement qu’elles ne se perdent), le groupe semble avoir retrouvé une certaine virginité, qui lui permet de jouer sans fausse pudeur avec ses influences et son histoire personnelle, avec une nouvelle sensibilité, une fragilité salvatrice. Le disque de la maturité, comme on dit.