En 1999 paraît sur Catharsis le split-single Hint vs My Own. Soit un duo angevin à la réputation solidement établie contre un quatuor francilien (alors) inconnu. De manière inattendue, c’est Concrete en face B qui vole la vedette aux auteurs de Wu-wei : un morceau à la structure alambiquée, alternant montées puissantes et faux plats, boucles de guitares savantes et accords ouverts et dissonants (que l’on retrouve sur Non wake up clocks). Fort de ce coup de maître, My Own enchaîne alors un autre split-single avec Sun Plexus (Ruminance, 2000), deux titres sur des compilations de FBWL et Kalikof, des concerts avec Unwound, Blonde Redhead, etc., des apparitions solos avec l’excellent Snark, au sein de Celluloïd Mata, des projets parallèles (Osaka Bondage, Speakerine)… Autour de la sortie de ce premier album, ils participent encore aux concerts parisiens de Shipping News et Ulan Bator. Car My Own est d’abord un groupe de scène terriblement efficace et rodé : depuis 1995, les musiciens ont fini par atteindre une cohésion que bien des groupes peuvent envier.
Quiconque a déjà vu le groupe en live regrettera la relative sagesse de l’album : les morceaux ont comme perdu de leur souffle en studio. A l’inverse, certains ont gagné en homogénéité : les ruptures de ton et de motifs, qui déroutaient parfois en concert, se trouvent ici bien mieux incorporés. Les onze titres imposent, sans montrer le moindre signe de faiblesse, un rythme qui suscitera l’enthousiasme de n’importe quel fan de Sonic Youth ou Blonde Redhead. Et c’est justement là le problème. On pourrait facilement railler le nom du groupe tant il semble mal choisi, car si celui-ci a indubitablement fait siennes les trames musicales développées par ces deux groupes, il peine encore à s’émanciper de ses influences new-yorkaises.
La voix frêle de Zoé (chant/guitare) se prête volontiers à des comparaisons (de choix) : faussement ingénue, elle se révèle être un poison (This good long walk) ; langoureuse, elle nous happe comme un aimant (un bijou que ce Seventy). Et renvoie ainsi tantôt à Kazu Makino, tantôt à Kim Gordon. Les compositions explorent quant à elles avec un égal succès les dissonances mélodiques, recourent avec bonheur aux motifs itératifs, juxtaposent habilement calme et dérapages sonores. Autant d’ingrédients poussés à leur paroxysme sur le splendide Fake can be just as good.
On dira donc que :
1- My Own n’a pas des goûts de merde ;
2 – le résultat est fichtrement impressionnant.
Comment passer sous silence les géniaux On tape et le médusant morceau de clôture, Une conversation difficile, réussite totale de près de neuf minutes sur laquelle plane un je ne sais quoi de Brother James (Sonic Youth) ou de Symphony of treble (Blonde Redhead) ? Incidemment, ce sont les lourdes lignes de basse de My Own qui lui permettent de prendre le large, en insufflant au groupe une attaque hardcore à comparer davantage à un groupe comme Bästard par exemple (Dolores b. knl, Concrete).
Loin d’être étouffé par ses influences, My Own semble juste éprouver quelques difficultés à les intérioriser. A n’en pas douter, le groupe saura faire oublier ce petit péché de jeunesse, sans attendre qu’un groupe de souillons, en venant les pomper, ne nous oblige à admettre rétrospectivement que My Own avait finalement su se créer une forte identité musicale.