Certains groupes ont besoin d’espace. My Morning Jacket est de ceux-là : dès Hopefully, le cinquième morceau du disque, il n’y a plus personne. Jim James est seul au micro, on croit entendre un vague harmonium dans le fond, et surtout un effet prenant sur la voix, une reverb’ imposante. Un peu comme si Jim James était seul en scène devant un auditorium vide de 10 000 personnes. D’ailleurs, lorsque le reste du groupe le rejoint deux morceaux plus tard pour un monument de rock bouseux option purin factice au ralenti (Honest man), on en vient presque à regretter son retour.
On avait vaguement croisé My Morning Jacket il y a deux ans sur un premier album relativement confidentiel traînant sur le chemin de Will Oldham et autres Sparklehorse. A l’heure où Mark Linkous sort un album épatant en tout point, à l’heure aussi où des groupes comme The Moldy Peaches, The Strokes ou encore The White Stripes nous étonnent et nous excitent par un retour à l’essence, la naïveté et la fougue du bon vieux binaire, que faire de My Morning Jacket, qui propose avec At dawn cette banale balade dans les sous-bois de la country et d’un certain folk honnête ? En toile de fond pourtant, ce groupe a du mal à dissimuler la claque qu’il a prise à l’écoute de The Soft bulletin des Flaming Lips. Mais si les Flaming Lips arrivent à faire désormais passer une certaine grandiloquence sans risque de thrombose pour l’auditeur, J. James, J. Quaid, J. Glenn, Two-Tone Tommy et D. Cash (belle galerie de noms du cru soit dit en passant) peinent vraiment à remplir l’espace que leur album semble leur ouvrir. Ce disque est comme un grand canevas inachevé, une mine d’ambitions revues à la baisse, une économie de talent totalement frustrante.
C’est peut-être cette façon de chanter entre Neil Young et Wayne Coyne (Flaming Lips encore) qui empêche notre adhésion. Mais là où le premier fait naturellement passer un registre d’émotions assez étendu, quand le second arrive à nous emmener dans des contrées réellement inconnues, Jim James donne la sale impression de geindre. Ce qui devient rapidement exaspérant et nous empêche de plonger dans les belles guitares des autres.