C’est bien connu, en musique, c’est souvent des endroits les plus inattendus que nous proviennent les nouvelles les plus réjouissantes. Fernando Corona, l’homme qui se cache derrière Murcof, vient de Tijuana au Mexique, et fait partie du label/collectif Nortec, dont on publie en ce moment même une étonnant compilation. Et bon dieu, c’est une sacrée découverte ! Il a déjà publié un album dans son pays, mais c’est le label californien Context (dirigé par Sutekh) qui l’a pointé sur la carte electronica internationale. On a ainsi découvert avec son maxi Monotonu une esthétique inédite, mêlant rythmiques minimales, interférences analogiques et surtout puzzles de samples de musiques orchestrales en tous genre, et un spleen froid et majestueux, qu’on imaginait réservé aux compositeurs novo classiques estoniens ou au mystique John Tavener. Cette collision inattendue aurait pu fleurer bon le kitsch, mais elle l’évite consciencieusement tout au long des neuf morceaux de ce très classe Martès, entre Force-Inc et ECM.
Tout commence par quelques échauffourées de sinewaves, répondant à un piano à peine visible, et on croirait presque écouter un vieux vinyle de musique électroacoustique des années 70. Puis une rythmique cliquetante déboule, Memoria débute, et les différents éléments se mettent en place via un sequencing ultra précis, linéaire, mais plein de surprises et de subtilités. Comme dans toute musique minimale qui se respecte, les évolutions et digressions sont à peine perceptibles, mais constantes. Le disque tout entier suit le même principe : les morceaux se suivent et se ressemblent pour mieux ne pas se ressembler. On entend tour à tour un inquiétant ensemble de cordes virtuel (Maiz), un piano échappé d’une Gnossienne de Satie (Mo) une ritournelle presque ensoleillée (Mes), des cordes pincées façon tango argentin (Mir) et même une voix féminine angélique (Muim).
Les climats varient avec subtilité, toujours portés par une grâce sobre et ténue, par une orientation discrète et jamais grandiloquente. Quant aux constructions électroniques qui façonnent ces clairs-obscurs passionnants, elles ne ressemblent à rien de connu, comme habitées par une naïveté de forme et de fond qui fait souffler sur ce disque un vent d’inédit qu’on n’osait plus espérer. Murcof est une découverte précieuse.