Qui le sait ? Qui le sait ? Oui, Mr Len est bien le DJ atypique de Company Flow. Cette formation, née dans le Queens en 92, a livré quelques-uns des plus ensorcelants opus hip-hop de ces cinq dernières années. Il est indéniable que Funcrusher Plus et Little Johnny from the hozpital font maintenant partie de ce que les experts appellent « classiques certifiés ». Dernièrement, les deux têtes sagaces de Flow (El-P & Len) ont également parachutés -via leur label Def Jux- les prometteurs Aesop Rock et Cannibal Ox (dont le Cold vein attire de plus en plus de monde, y compris certains « détracteurs » du hip-hop). Etonnant que ceux qui, hier, se raillaient du hip-hop et de ses sbires, acclament aujourd’hui l’univers oppressant des groupes suscités. Répétons le haut et fort, le hip-hop est partout. Anti Pop deale avec Warp (écurie qui a longtemps craché sur le rap), c’est un signe des temps. On entend ça et là que ces formations sont différentes, que ce n’est pas vraiment du hip-hop… Que nenni les amis, ce son est un élément intrinsèque du hip-hop, une histoire à l’intérieur de l’histoire… Et même si Arsonists et Len signent sur Matador (label « rock » qui s’oriente de plus en plus vers le hip-hop et l’electronica), qu’importe, si ce n’est le son qu’ils nous proposent.
Mr Len est un des hommes du moment. Watcha ! Dès le premier sample de Pity the fool, on reconnaît la patte du bonhomme et sa façon lugubre d’aménager les instrus. De fait, This morning (featuring tha Juggaknots) s’inscrit dans la même démarche que certains passages de Little Johnny… Len y arbore ses ambiances lourdes et minimales, qu’il pose sur une rythmique minimale d’une noirceur mélancolique captivante. Sur Get loose, les membres de Mass Influence viennent poser pour leur compère Len, qui place un riff de guitare envoûtant, sans rien demander à personne. Le titre, légèrement old school (assez proche de Jurassic 5), se déguste tranquillement. On retrouve d’ailleurs ce côté old school dansant sur Girl feat. Lord Sear, qu’on pourrait très bien foutre dans une soirée bounce. Mais l’ambiance retombe vite sur le track suivant, puisque Jean Grae et Murs (à l’aide de son talkie walkie foutu) nous narrent leurs histoires à dormir debout sur un pur instru lugubre, dont les pianos menaçants se battent avec les beats de manière captivante. Vient ensuite le solide Straight (un titre sorti sur le maxi Matador de Len), qui voit Q-Unique des Arsonists expulser son flow preste et vibrant. Len s’amuse ici avec les breaks, et la rythmique changeante s’affole soudain sur une infra basse béate. Un délice. On retrouve ensuite Jean Grae (feat The Melon Bayside High Drama Club) qui déverse Taco day : une chronique urbaine funeste, dont les métaphores subtiles collent parfaitement à l’univers du dj de Co-Flow. Les bonnes surprises continuent avec le phrasé génial de D-Stroy sur Bring it to me, qui navigue entre beat hop et riffs de guitare déformées. Vient ensuite What the fuck : un autre titre issu du très bon maxi de Len, qui invite ici l’extraterrestre Mr Live. La Gritty version de cet album est toutefois moins percutante que l’originale. Pity the fool se termine par une petite douceur, un Family Matters qui laissent Kice of course & Steady Roc placer quelques phrasés placides sur un instru planant. On vous laisse découvrir le ghost track…
Len n’a pas pris trop de risques avec Pity the fool (mis à part le rock hargneux de Force red, dont on se serait bien passé). Ne faudrait-il pas rallonger un peu les instrus et virer quelques mc’s Monsieur Len ? Le fait que tous les morceaux comprennent des featurings dénature un peu ton boulot, gros, et rend ton disque quelque peu impersonnel. Mais l’album est tout de même une bonne pièce, qui nous permet de goûter une fois de plus à un bon hip-hop new-yorkais bien éploré. Maow…