Mais qu’a voulu dire Christophe Miossec avec A prendre ? Qu’éventuellement, on pourrait « laisser », que la décision nous appartenait ? Est-ce de la provocation, ou une porte ouverte sur son questionnement personnel, qui est encore au centre des chansons de ce nouvel album. Dès Le Chien mouillé (en silence), les choses sont mises au point : « Je suis bourré de condescendances / Pour mes faiblesses si dures à avaler / Ce qui fait que je flanche / Quand on essaie de m’apprécier ». Il nous fait encore sa crise de mal aimé, matinée de mea culpa à moitié sincère, du bout des lèvres. Pourtant on l’aime bien le brestois, mais il ne faudrait pas pour autant qu’il se croit autorisé à cabotiner.
Car si les compos tiennent toujours aussi bien la route, le « style » Miossec est désormais bien en place, on est du coup un peu déçu par le manque de risques pris. On aurait voulu quelque chose qui nous prennent un peu plus à l’estomac, façon uppercut. Car avec les mots qui se font plus léchés, et la production qui s’enrichit encore (guitares en plusieurs services, cordes et claviers très présents), on reste dans l’ensemble sur sa faim. Où est-il celui qui balançait sa gueule d’ours mal débourré, qui savait nous flinguer avec de grands concepts sur l’amour traduits en mots si durs, si drus ? A croire qu’il s’est vraiment rangé, dans la forme s’entend, puisque sur le fond c’est toujours l’échec des relations humaines et sentimentales en particulier qui est mis en exergue. Mais bon, comme on sait qu’il peut faire très bien, on est forcément difficile. On attend encore et toujours un renouvellement du discours -poétique et musical- en espérant que l’animal saura se réveiller pour nous asséner deux-trois fausses vérités qui font mal. Comme il est dit dans Retour à l’hôtel : « Rester anthropophages le plus longtemps / Ne pas perdre le goût des carnages ».