Dans le petit monde du jazz et, plus petit encore, du jazz fusion, Mino Cinelu n’est pas n’importe qui. Le percu solo exalté de deux minutes sur Fast track, dans We want Miles, album live du retour de Miles Davis à la scène en 1981, c’est lui. Il avait alors 24 ans et vivait en France. Depuis, via Weather Report, les sollicitations se sont succédées au point que l’Antillais, comme tout musicien de jazz vraiment avide d’aventure grandeur nature, a dû se fixer à New York. Mino Cinelu appartient à cette catégorie de sidemen charismatiques, trop vite mythifiés peut-être, qui émaillent parfois d’une composition personnelle géniale le disque d’un ami (Michel Portal, entre autres), avec beaucoup de parcimonie et de mystère, de telle sorte que les amateurs sagaces ne puissent plus qu’attendre une chose : un album solo.
Mais sans doute attendait-on trop de Mino Cinelu. Ou du moins, autre chose, mais on ne sait pas trop quoi. L’impossible ? Après dix-huit ans de patiente maturation, l’on était en droit de l’espérer.
Un disque « Produced, written, composed, programmed, arranged and performed by Mino Cinelu, recorded and mixed by Mino Cinelu at Mino Cinelu Music Studio, New York, all songs published at Mino Cinelu Music, all instruments performed by Mino Cinelu… » Un gars atteint de telle folie des grandeurs ne pouvait forcément pas avoir raté son coup. Et l’on s’apprêtait presque, si reconnaissant d’avance qu’on était, à lui pardonner sa mégalomanie.
Résultat donc : un plaisant album de world synthétique bien produit qui ne laissera pas de trace, des chansons (il veut chanter, qui l’en empêcherait ?) sans grand charme qui se laissent un peu écouter quand même, des tics de narration, un système, auxquels le bassiste Richard Bona et le guitariste Mitch Stein, venus prêter main forte sur quelques titres, ne font rien. A peine a-t-on le goût de résumer la chose en disant que le gars n’a pas le génie d’un Zawinul et que le plus génial, dans ses compositions interprétées par Portal, c’était le génie de Portal.
Mino Cinelu, chant, percussions, batterie, effets divers, guitare, bandonéon ; Richard Bona, basse ; Mitch Stein, guitare.
1) Chouval boa – 2) Moun madinina – 3) Confians – 4) Shibumi dunes – 5) See yea-Salee yea – 6) Oncoming horizons – 7) Namonale – 8) Will O’the wisp – 9) Soon I will be home – 10) Petit prince – 11) Why not