Michiko Kamiya a remporté le premier prix du Concours international de violon Joseph Joachim à Hanovre en 1997. Voilà pour la présentation. Il semble que ce disque soit son premier. « Pas mal pour un début, écoutons la bassine ». A l’évidence, il ne s’agit pas d’une bête à concours, d’une virtuose à la russe. Au contraire. Ses années d’études à Londres auprès de Gyorgy Pauk, violoniste hongrois qui formait un excellent duo avec le pianiste Peter Frankl, n’y sont certainement pas pour rien. Sa souplesse d’archet, sa sonorité veloutée, la vigueur de sa son articulation sont autant de qualités indéniables. Son programme, volumineux, mérite qu’on s’y arrête un peu.
A l’opposé de la Sonate pour violon de Beethoven enregistrée par Kirill Troussov, et critiquée il y a peu ici même, Kamiya déploie une intelligence de jeu rare, fait de raffinement, de douceur, de poésie. La simplicité, la grâce de l’accompagnement, des phrases forcent l’admiration. Le bon goût, la sobriété l’emportent sur un jeu bourré d’effets, de manières qui entachaient le jeu de Troussov. Par ailleurs, la jeune violoniste, délicate, s’attaque avec beaucoup de justesse au Grand Duo de Schubert. Etincelante, les nuances maîtrisées ainsi que le rubato, cette interprétation en vaut largement une autre. A n’en pas douter l’aisance, l’évidence de ces interprétations ravissent.
En revanche, si les deux maîtres viennois lui réussissent pleinement, elle ne perce pas complètement le mystère de la Sonate de Saint-Saëns, pêchant par manque d’engagement, par effacement (de la part du pianiste aussi). Comme si Saint-Saëns, tout français qu’il était, n’avait pas été romantique aussi ? Reconnaissons simplement que la retenue de la violoniste disparaît dans le dernier mouvement et que, prise dans le tourbillon des doubles, elle se laisse aller à une virtuosité du meilleur aloi.
Le deuxième disque nous fait découvrir une œuvre de jeunesse de Takemitsu, très ravélienne dans son écriture mais d’une beauté non méprisable. A l’évidence, Kamiya se plaît à défendre le plus grand compositeur japonais du 20e et cela est du plus agréable. Si les compléments de programme que sont la Romance de Joachim et la Polonaise brillante de Wienawski n’éveillent que peu notre intérêt, en revanche, le Duo concertant de Stravinsky réserve beaucoup de surprises. La grande intensité de cette œuvre trouve toute sa traduction dans le jeu tendu, dense de la violoniste qui est véritablement capable de passer d’un style à l’autre avec bonheur. La Sonate de Schumann a ce qu’il faut de brumeux et de romantique, captivant l’auditeur de bout en bout. En définitive, voilà une violoniste, certes pas tonitruante, certes pas révolutionnaire dans son jeu, mais qui n’est pas à oublier. Ce disque réserve à qui veut l’entendre un je ne sais quoi de serein, une paix savoureuse. Petite violoniste deviendra grande…
* Ludwig van Beethoven : Sonate pour violon et piano n°2 op.12 en la majeur ;
Franz Schubert : Grand Duo pour violon et piano D 574 en la majeur ;
Camille Saint-Saëns : Sonate pour violon et piano n°1 op.75 en ré mineur ;
Robert Schumann : Sonate pour violon et piano n°1 op.105 en la mineur ;
Igor Stravinsky : Duo Concertant ; Toru Takemitsu : Distance de fée ;
Joseph Joachim : Romance extraite des 3 pièces op.2 n°1 ;
Henryk Wienawski : Polonaise brillante op.21