Pascal Bouaziz est un type bien. Il m’a déposé à deux reprises en bas de mon immeuble et à chaque fois, je serais bien resté un peu plus longtemps à discuter avec lui dans sa voiture… En plus d’être bon conducteur et d’agréable conversation, Pascal Bouaziz a surtout sorti un très bon troisième album sous le nom de Mendelson, le bien nommé Seuls au sommet.
On trouve assez choquante l’idée répercutée par la plupart des médias selon laquelle Mendelson occuperait une place à part dans le paysage audiophile français, une place soi-disant d’outsider, en porte-à-faux avec la meilleure chanson française (pourtant évidente d’influence dans ses chansons, à commencer par Bashung). Comme si c’était lui qui refuserait suicidairement le succès quand c’est tout un pays qui a les oreilles bouchées. Qu’il soit en marge des traditionalistes foireux de la « nouvelle chansons française » (ces jeunes vieillards), la question ne se pose pas et ne vaut même pas la salive d’en parler : si beaucoup écoutent Vincent Delerm et si peu écoutent Mendelson, c’est pour la raison suivante : Pascal Bouaziz a beau chanter en français, Mendelson est en fait un groupe américain. La preuve : on l’a eu de visu lors du Mofo Festival à Mains d’Oeuvres où, programmés aux cotés de Daniel Johnston, des Mountain Goats ou de Herman Düne (le meilleur groupe américain des Hauts-de-Seine), Mendelson a livré une prestation qui a su parfois éclipser en intensité et en américanité tous les groupes à l’affiche. Comme Songs:Ohia ou un Crazy Horse en apesanteur, la musique de Bouaziz et de ses hommes joue avec intelligence sur les textures sonores (électriques et acoustiques, toujours naturalistes), les morceaux s’étirant en intensités rampantes, débouchant sur des conclusions souvent lumineuses (Je me réveille, tube impossible dans un pays atteint de surdité chronique), parfois implacablement rageuses et terroristes (Ce n’est plus la peine, renvoyant la plupart des groupes en colère actuels à leurs chères études), proposant toujours une vraie complexité musicale derrière une apparente simplicité (L’Ardèche, Retour à Lacanau, constructions magnifiques). Mendelson joue une musique d’une richesse absolue, qui dépasse les évidentes influences américaines (mais les journalistes sont des paresseux, c’est bien connu, moi y compris), une musique cultivée mais pas ramenarde, jusque dans ses dissonances, souvent d’une fausse nonchalance.
Et puis il y a ces textes incisifs, ce chant apparemment détaché, ces mots bien choisis, ce talent de narrateur, de conteur dont Pascal Bouaziz (à qui je paierai peut-être l’essence la prochaine fois…) est l’un des rares et derniers dépositaires dans ce pays. On dira avec facilité que ce type prouve que l’interdit est levé, que l’on peut faire du rock américain en France et qu’on peut en plus le chanter en français, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Mais là-dessus on ne va pas trop en rajouter, il vous suffit d’écouter le disque de Mendelson, Seuls au sommet, c’est le troisième. Et il porte bien son nom.