Passée la déception causée par l’annulation de Nebula (excellent trio de stoner-rock qui n’apporte rien de moins qu’une débonnaire descendance à Monstermagnet -dernier album sur Relapse), avalées quelques bières (dont certaines sur le trottoir), acheté le tee-shirt (un diablotin rouge sur fond blanc), la fébrilité de l’attente augmente. Puis les Melvins débarquent… Première surprise : ils sont quatre ! Un binoclard à chemise à fleur s’est ajouté au power trio. Et ça n’en tabasse que plus. Le concert est carré (quasiment aucun morceau expérimental) et brutal. Quelques grands tubes (Gluey porch treatments, The Bit, etc.), quelques nouveautés, et une classe folle, qui n’en rajoute jamais. King Buzzo est toujours aussi impressionnant, Dale Crover est un batteur au jeu unique, tout en puissance et en ralentis, et l’ensemble du groupe maîtrise son propos avec une totale assurance, un
contrôle parfait, un métier impeccable. Pas de temps morts, tout s’enchaîne, et surtout tout est construit. Les concerts des Melvins ne sont jamais chaotiques mais toujours surprenants.
Aux USA, les Melvins tournent en ce moment avec Mike Patton, Duane Dennison (de Jesus Lizard), parfois des membres de Helmet, ou Kid 606. Ce groupe n’a de cesse de confirmer une quasi-certitude : les Melvins sont actuellement le meilleur groupe (de rock-metal étrange) du monde. D’ailleurs, c’était le groupe préféré de Kurt Cobain, qui, avant de devenir la superstar que l’on sait, porta leurs amplis. Mais les Melvins s’en foutent et c’est justement leur mépris, leur ironie cinglante et leur folie qui les ont sauvés et les voient rester créatifs sur un long parcours. C’est vrai, Buzz Osborne ressemble de loin à Robert Smith (la chevelure…), mais Robert Smith et Ozzie Osbourne partageaient le goût du noir, après tout. Et quel autre groupe aurait eu pour bassiste la fille de Shirley Temple ?
La veille du concert parisien, les Melvins jouaient en live au Max Linder Panorama (dans le cadre des séances Agnès B) la bande-son d’un film super-8 passé en 35 mm de Cameron Jamie, BB. Un film qui se penche sur le phénomène du « Backyard wrestling », ces adolescents de la middle class américaine qui s’organisent des combats de catchs violents dans les arrière-cours ou les jardins de leurs parents. Parallèlement à ça, à l’intérieur de la pochette d’Electroretard, Frank Kozik (graphiste phare du label Man’s Ruin) s’amuse à mettre un costume nazi et des petites moustaches à un pauvre petit lapin. Et nos amis en rajoutent en sortant en triple vinyle picture-disc leur trilogie Ipecac. Sur l’un des disques, la face A est décorée d’une étoile juive sur fond jaune, la face B d’une swastika. Provocation douteuse et déplacée ? Peut-être. Il n’empêche, plus ils vieillissent, plus les disques des Melvins deviennent intéressants. Sous couvert de provoc’ à deux balles (qui les rassure peut-être, eux, ou une part de leur public), leur musique s’éloigne de plus en plus du rock pour aller vers des objets sonores non identifiés (avec force guitares et électronique), pour notre plus grand plaisir.
Une heure et demie après, au terme d’un concert trop court, le public sombre et nerveux croisait les fans des Little Rabbits qui sortaient de La Cigale. Ils n’avaient pas grand-chose à se dire. Pas le même genre de petits lapins…
A propos des Melvins, lire nos critiques de Compilation 1-12 et The Maggot.
Le nouvel album des Melvins, Electroretard (Man’s Ruin), propose une reprise du Interstellar overdrive de Pink Floyd. On attend patiemment leur prochain double live (Colossus of destiny, titre melvinien en diable) sur Ipecac